Passer de la gestion du budget de formation à l’investissement en formation. Par Jean-Michel Mathieu

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Une piste pour donner aux budgets de formation leur vraie valeur.

Un budget de formation : pour quoi ?

La loi française impose aux entreprises de contribuer au financement de la formation professionnelle. Ainsi, dans nombre de grandes entreprise, chaque année, les responsables de formation passent beaucoup de temps à bâtir les budgets de formation, à partir des besoins (plus ou moins analysés) collationnés auprès des collaborateurs et managers, puis arbitrés et re-arbitrés. L’exercice, simple en apparence, est complexe à organiser et gourmand en temps.

Au bout du compte, l’entreprise se retrouve chaque année avec un budget de formation à consommer.

Mais la question essentielle reste souvent non traitée, faute de temps, à cause des contraintes calendaires et juridico-administratives, à cause de la difficulté à traiter toutes les données remontées : un budget de formation, pour quoi faire ? C’est la seule question que doit se poser l’entreprise et son responsable de formation : Quelles sont les compétences clés de l’entreprise ? En quoi la formation peut-elle contribuer à renforcer ou développer les compétences critiques ? Les réponses sont éminemment stratégiques car une entreprise ne vend, au final, que les fruits des compétences qu’elle a su organiser.

Un investissement en formation : comment ?


-Identifier les compétences clés et les réponses formation

Ainsi, le responsable formation doit d’abord forcer l’entreprise (la direction, les managers) à définir les compétences clés qui vont faire la réussite de celle-ci, à court et moyen terme. Il ne s’agit pas ici de lancer une démarche lourde de GPEC, ce qui est un autre exercice, mais d’identifier les 4 ou 5 compétences critiques pour l’entreprise et par division. Il s’agit ensuite de pré-définir les dispositifs de formation qui vont contribuer à développer ces compétences, en faisant en sorte d’être imaginatif en terme pédagogique et de ne pas se contenter de la formule un groupe-une salle-un formateur qui n’est pertinente, en fait, que dans 50 % des cas, en termes d’efficacité de l’apprentissage.

Cet exercice permet à l’entreprise de concentrer son budget de formation là où il aura une réelle valeur, là où il va contribuer à développer les ventes, améliorer la qualité, gagner en productivité, préserver les marges.
Ensuite seulement, pourra être définit un budget pour des formations « de confort » qui améliorent l’existant mais ne conditionnent pas le développement de l’entreprise.

Financer l’investissement en formation

L’argent n’est pas une denrée rare dans le domaine de la formation professionnelle continue, les masses financières sont conséquentes. Mais il est complexe à obtenir car il faut que l’entreprise connaisse les arcanes de la collecte et de la ventilation des fonds de formation et de leur attribution, les logiques de différents acteurs plus ou moins institutionnels qu’il faut articuler et faire décider. Reste que l’argent de la formation professionnelle est celui des entreprises et de leurs collaborateurs, celles-ci ne doivent donc avoir aucun complexe à aller le chercher pour financer son développement.

A partir du moment où l’entreprise a une vision claire des compétences clés qu’elle doit développer, de ce que celles-ci doivent lui apporter ainsi qu’à ses collaborateurs, à partir du moment où elle a bâti un plan d’investissement précis, le rôle important du responsable de formation est de monter le plan de financement de son investissement formation et d’obtenir les budgets correspondants. Pour cela deux approches complémentaires sont à mettre en œuvre : contractualiser un vrai partenariat avec un OPCA et articuler les différents dispositifs de formation (plan, période de professionnalisation, DIF...).

La plupart des responsables de formation ne savent pas travailler avec leur OPCA, par manque de temps, par méconnaissance du fonctionnement de celui-ci, ou parce que leur entreprise est riche (tant mieux). En conséquence, souvent, le conseiller OPCA - qui gère un nombre très important de sociétés - « oublie » l’entreprise en question et se concentre sur celles qui le sollicitent. Il s’agit donc pour le responsable de formation d’écrire les enjeux, objectifs, résultats attendus, de son effort de formation, de voir en quoi la problématique de compétences de son entreprise est en ligne avec celle de sa branche professionnelle dont l’OPCA est l’opérateur, puis de rencontrer son conseiller OPCA et de nouer avec lui un véritable partenariat. Ce partenariat doit être concret : financier d’abord mais aussi très opérationnel et prévoir les circuits administratif qui vont faciliter la vie de tout le monde.

Dans ce cadre, le cœur du travail avec l’OPCA va alors consister à articuler les différents dispositif de formation (plan, période de professionnalisation, DIF...) au sein de l’entreprise, en cohérence avec la logique compétences de la branche et en tenant compte des contraintes et opportunités financières de l’année.

A cette étape de la démarche, l’entreprise dispose donc :

- d’une cible claire de compétences clés à développer,
- d’un budget d’investissement en formation concentré sur cette cible,
- d’un plan de financement contractualisé avec l’OPCA ( et selon le cas d’autres acteurs complémentaires).

Il s’agit maintenant de piloter la mise en œuvre de ce dispositif, à deux niveaux : budgétaire et en terme de retour sur investissement.

Piloter le budget et mesurer le retour sur investissement formation


- Piloter le budget

Les indicateurs de pilotage des budgets de formation sont connus des responsables de formation. Rien de nouveau sur ce point : nombre d’entre eux passent des heures (avec leurs équipes) à récupérer des données éparses (factures, conventions...) avec force copier/coller entre différents logiciels mais livrent in extremis des chiffres clairs à leur DRH. Là aussi, une approche plus concentrée, ciblée sur quelques dispositifs de formation développant les compétences critiques facilite le suivi des budgets et donne aux indicateurs budgétaires une valeur réelle.

- Evaluer le retour sur investissement

Le R.O.I. de la formation ? Un serpent de mer. Mais un serpent de mer qui vaut que l’on s’en occupe dès lors que l’on sait à quoi il contribue et les résultats que l’on en attend. Concrètement, si l’entreprise sait les compétences qu’elle veut développer, si elle a ramassé, concentré son effort de formation, alors il n’est pas si difficile de mesurer ce que la formation a produit, ou contribué à produire, comme résultat opérationnel. Si le taux de signature chez les commerciaux augmente, si le taux de pannes, rebus, dysfonctionnements, baisses dans tel ou tel service précisément identifié, si 80 % des managers font leurs entretiens d’évaluation, si Nadine de l’accueil ne rabroue plus les clients anglais... si tout cela intervient après la réalisation de l’investissement de formation, alors oui, il y a un retour sur celui-ci. Des méthodes fines d’évaluation existent et peuvent être appliquées, mais il n’est pas utile de vouloir mesurer le ROI de toutes les formations réalisées, il est illusoire de vouloir faire une mesure scientifique des effets de la formation : ce sont là des façons d’esquiver la question. Concentrer l’évaluation du retour sur investissement formation sur les 4 ou 5 compétences clés visées est utile et possible.

Comme dans d’autres domaines, en matière de formation, il ne faut pas confondre le chiffre et l’esprit du chiffe, le budget et ce à quoi il contribue. Faute de cela, les budgets formation seront bien maîtrisés, pour rien.

Jean-Michel Mathieu est directeur associé au sein du cabinet Merlane, responsable du département « Performance de la formation »

C’est article est issu de la Revue RH&M, créée en janvier 2001 par Edgard Added, président du groupe RH&M, directeur de la revue et co-auteur du « DRH du 3ème Millénaire », la Revue RH&M à parution trimestrielle se veut être un véritable espace d'expression et d'échanges d'expériences entre les professionnels, les différents acteurs des ressources humaines et les experts du management.
Elle se distingue fortement des autres supports par son concept et sa spécificité. La Revue RH&M est une revue professionnelle rédigée par des professionnels RH pour des professionnels RH, favorisant l'échange de bonnes pratiques.
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