Formation sur mesure… Est-ce si sûr ? Par Michel Diaz

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La formation sur mesure a pris le pas sur l’inter entreprises, suivi en cela par le e-learning sur mesure qui constitue l’essentiel de la dépense des entreprises dans le digital learning, devant les contenus sur étagère… Mais peut-on vraiment parler de « sur mesure » ?

Les comptes des organismes de formation confirment ce que les études de marché disent depuis des années : le « sur mesure » a le vent en poupe. Il apparaît même comme une planche de salut pour des opérateurs qui ont vu s’effondrer leurs formations catalogue. Mais les deux business models - catalogue et sur mesure - sont loin d’être parfaitement compatibles : il ne suffit pas de composer un assemblage plus ou moins spécifique de deux ou trois séquences pédagogiques tirées d’une bibliothèque générique pour fabriquer du sur mesure. Et la réalité fait le plus souvent obstacle à cette vision séduisante d’un dispositif ad hoc fondé sur une base de « grains pédagogiques »… Des savoirs qui luttent contre leur mise en miettes, pour reprendre une vieille formule que Georges Friedman appliquait au travail… (une analogie sensée : si apprendre et travailler sont une même chose, miettes de travail et de savoirs vont ensemble). 

Le "sur mesure", un générique vaguement customisé ?

Formation sur mesure, donc. Mais où se trouve la mesure ? Faire du sur mesure, c’est commencer par prendre la mesure des savoirs à acquérir et de ceux dont on part. C’est aussi s’assurer de ce qui rend cette acquisition nécessaire (l’entreprise n’étant pas ce lieu où l’on apprend pour le seul plaisir d’apprendre). Cela suppose à nouveau de « prendre les mesures », forcément étalonnées sur… quelles unités ? La difficulté est réelle : le choix d’indicateurs pertinents, qui devrait présider à toute projet de former sur mesure, est un exercice encore bien rare. Les raisons en sont connues : manque de temps, défaut de méthode, volonté insuffisante des parties (les métiers, la formation), absence de conviction de l’intérêt d’une telle démarche… Du coup on continuera longtemps à parler de formation sur mesure pour désigner un générique vaguement customisé ; une aubaine pour ceux des organismes de formation qui parviennent à se différencier en affichant leurs « solutions », les deux - « sur mesure » et « solutions » - apparaissant solidaires comme les faces d’une même médaille.

La formation se rêve en industrie...

« Formation métiers » : l’expression est sans doute plus pertinente. Quoique réductrice, car appliquée aux activités les plus spécifiques de l’entreprise ; alors que les métiers peuvent aussi souhaiter des formations sur mesure à la bureautique (production des documents et reporting spécifiques au métier concerné), aux langues (l’anglais du retail diffère de celui de l’audit), etc.

Nous l’évoquions plus haut : l’idée de construire du sur mesure à l’aide de briques pédagogiques - une démarche de type « mesure industrielle » - travaille les secteurs de l’éducation et de la formation depuis longtemps.

C’est vrai dans l’autre sens : nombre de contenus e-learning sur mesure, par exemple, tentent de se génériquer, au moins pour toucher toutes les entreprises de la même branche d’activité. Des signes que la formation se rêve en industrie… et qu’on en est encore bien loin !

 

A propos de l’auteur :

Michel Diaz est Directeur associé de Féfaur premier cabinet d'études et de conseil e-learning indépendant sur le marché français et l'un des leaders européens, au sein duquel il conseille et accompagne les grandes entreprises et organisations dans leur stratégie et gouvernance e-learning et formation mixte. Conférencier recherché, il intervient et publie régulièrement en France et à l'étranger. Il est par ailleurs Directeur de la rédaction du site e-learning Letter

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