Le DIF a 7 ans mais il est loin d’avoir atteint l’âge de raison. Par Didier Cozin

Share |

Alors que nous sommes totalement engagés dans la société de la connaissance et de l’information, une majorité de travailleurs n’a encore qu’un accès insuffisant ou dégradé à la formation tout au long de la vie. Comment expliquer ces retards et difficultés accumulés depuis des années et avons nous encore les moyens de sortir de nos torpeurs éducatives ?

Le Droit Individuel à la formation, dispositif inventé en 2003 par les partenaires sociaux puis repris par la loi pour la formation tout au long de la vie de 2004, avait pour principales missions de développer la formation, de mieux répartir cet effort et d’abandonner une division des âges apprenant datant de la révolution industrielle (on apprend jeune, adulte ensuite on travaille puis une fois âgé on se retire).

En cette année 2011 les compteurs DIF des salariés sont pleins (un milliard d’heures cumulées dans le privé, 400 millions d’heures dans le secteur public) et les retards s’accumulent : le DIF reste un dispositif méconnu des entreprises comme des salariés, les pouvoirs publics légifèrent mais sur le terrain des apprentissages rien ne semble pouvoir changer : des atermoiements, quelques timides pas en avant et au final un immobilisme quasi-généralisé, une société encalminée sur des modèles apprenant dépassés et toujours incapable de se projeter dans l’économie de la connaissance.

Quelles sont les raisons qui empêchent notre système de formation  de se développer ?

1.      La pusillanimité (et parfois l’hostilité) des entreprises : ne misant guère sur le développement de leur activité en France nombre d’entreprises cherchent à réduire leurs coûts. Le budget formation est bien évidemment la première victime de ces coupes budgétaires.

2.      La complexité et la lourdeur des procédures. Le souci principal de nombre d’organisations est de contingenter la formation tout en limitant leur engagement financier. En multipliant les contrôles et les procédures, elles découragent les meilleures volontés. Seuls surnagent quelques DIF des salariés les plus qualifiés.

3.      L’inertie des grandes comme des petites entreprises. Les grandes sont absorbées par leurs réorganisations et les PME, « la tête dans le guidon », sont insensibles au moyen et long terme.

4.      L’accaparement par les personnels les plus qualifiés des budgets formation (MBA, formations expertes, management..) : 6 % des salariés absorbent toujours 50 % des budgets.

5.      Le manque de confiance des salariés peu qualifiés : connaissant mal la formation, parfois traumatisés par l’école, ils n’envisagent pas la formation comme étant à leur service.

6.      L’incompréhension des enjeux éducatifs nouveaux. Dans une société restant élitiste et hiérarchisée, l’information et le pouvoir se confondent et il est difficilement accepté de partager la connaissance avec les salariés les moins qualifiés (ouvriers et employés).

7.      Le positionnement de la société française sur des modèles éducatifs dépassés (l’école de Jules Ferry monopolistique et une formation pour les adultes demeurant une simple rustine).

8.      La faible légitimité de certains services formation. Isolés dans les bureaux, loin des préoccupations et besoins du terrain, nombre de services support (par ailleurs faiblement dotés au niveau humain) sont coupés de la base ou ne savent pas communiquer avec celle-ci.

9.      La faible capacité d’entraînement des partenaires sociaux : dans les grandes organisations il faut des relais mais leur positionnement surtout quantitatif (les salaires, les avantages sociaux..) éloignent les organisations syndicales du droit à la formation.

10.    La crise économique. Notre pays est devenu allergique aux risques (individuels et collectifs) et ne pratiquant pas le consensus. Il demande à  l’Etat d’emprunter pour ne rien changer.

La crise économique qui a frappé le monde depuis 2008 interpelle notre pays plus que tout autre. Nous pensant à l’abri derrière notre Etat providence nous pensons n’avoir rien à gagner à nous former et à nous adapter au XXIe  siècle. La formation tout au long de la vie et le Droit Individuel à la formation sont pourtant les outils modernes, accessibles et adaptés pour développer les compétences. Encore faut-il sortir de la nostalgie ou de l’incantation.

Le droit à la formation doit donc vivre et se développer. Ce sera d’autant plus difficile et douloureux que le pays ne s’est pas préparé depuis 2004. Nous nous sommes payés de mots, nous réfugiant derrière les grands principes et les beaux discours. Il faut transformer nos timides essais, nous former, monter en compétences (pour les salariés) monter en gamme (pour les entreprises). Nous devrons produire des services et des biens de plus grande valeur ajoutée (à l’instar de nos voisins allemands) et prendre conscience que sans ce sursaut éducatif nous aurons le plus grand mal à maintenir nos standards de vie et de consommation.

Le DIF a 7 ans, il est un dispositif jeune mais il ne doit pas rester sans avenir.


A propos de l’auteur

Didier Cozin est auteur des ouvrages « histoire de DIF » et « Id-Reflex DIF »  

à lire également

Dans la même rubrique

RECHERCHER UNE FORMATION

AEC logo


Recherche guidée thématique

Recherche par thème :