Pourquoi s’embêter à apprendre ? Par Stéphane Diebold

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41 % des Français possèdent un Smartphone, 15 % des tablettes, autant d’ordinateurs mobiles qui changent la donne. Les Smartphones sont de véritables encyclopédies mobiles. Et selon la loi de Moore, la capacité de mémoire ne va cesser de croître. Cette mémoire externe ouvre de nouvelles perspectives. Que faire de cette nouvelle opportunité formative ? Et si tout est dans la machine, pourquoi s’embêter à apprendre ?

L’usage des Smartphones change le fonctionnement de la mémoire. Qui se rappelle encore de tous les numéros de téléphone que l’on connaissait avant ? Une fois que l’on sait que tout est dans le Smartphone, plus besoin de les garder en mémoire. Et pareil pour l’usage des GPS qui nous permet de ne plus avoir à mémoriser la localisation géographique des itinéraires. La mémoire externe supplée la mémoire interne.


Mémoire et raisonnement

La connaissance est traditionnellement la somme de la mémoire et du raisonnement. Et suivant les périodes, c’est la mémoire ou le raisonnement qui prime. Les modernes ont fortement milité pour le raisonnement au détriment de la première. Or, aujourd’hui avec les neurosciences, la mémoire retrouve une légitimité nouvelle. Les grecs avaient déjà fait de la mémoire - Mnémosyne - la mère de toutes les muses, la mère des sciences, de la littérature, ou de l’histoire. Sans mémoire, pas de muses. Aujourd’hui, la mémoire est considérée comme essentielle au raisonnement. Et ce, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une mémoire mécanique qui stocke, mais d’une mémoire sémantique qui fait sens par sa hiérarchisation. Arborescence du sens des mots ou arborescence des épisodes, cette réécriture de l’histoire recompose une connaissance, une éthique.

Que peut-on en dire ? La mémoire est une recomposition permanente des savoirs qui y sont imprimés. C’est sans doute là, la distinction entre mémoire interne et mémoire externe, le Smartphone ne revisite pas l’information pour la recomposer dans une narration qui soit utile à la vie. Il manque dans l’interface homme machine le conte, la fable, la poésie de la réécriture permanente. L’ordinateur est un agent intelligent, un agent de savoir, mais pas un agent de connaissance.


Un nouveau rapport au savoir

Mais il ne s’agit pas d’opposer mémoire interne et externe, alors qu’on peut les associer dans une relation pédagogique. La pensée qui relie permet d’associer mémoire et raisonnement. La mémoire de la machine peut servir de support à l’histoire de la connaissance qui sert de socle à la connaissance interne. La mémoire machine devient le coach de la connaissance, booster de performance. Au final le Smartphone est ce que le livre a été à son époque. On peut rappeler que, pour Aristote, le livre est nuisible car il empêche de toucher le vrai. Alors, livre et Smartphone même combat ? Tout cela est-il une question de support ?

La mémoire externe libère l’homme de sa fonction de mémoire automatique, libérant ainsi du temps de cerveau disponible pour se consacrer à d’autres fonctions dites supérieures. Michel Serres nous propose de développer notre créativité dans un nouveau rapport au savoir. C’est la raison pour laquelle certains prônent déjà l’émergence d’une transhumanité, une nouvelle humanité du savoir. Voilà qui devrait faire chauffer les Smartphones.

A propos de l’auteur :

Stéphane Diébold
a mis son expérience au service de l’innovation pédagogique et de la performance en entreprise, au sein de TEMNA (www.temna.fr) dont il est le fondateur depuis 2003. Associatif, il a assumé des responsabilités dans une dizaine d’association, essentiellement formatives, aujourd’hui Vice-président du GARF (Groupement des acteurs et responsables formation) et de l’ETDF (European traning and development federation – Fédération européenne pour la formation et le développement).

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