Ce qu’il faut retenir de la success story de Crossknowledge. Par Philippe Gil

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L’information est publique depuis le 15 avril. Wiley rachète la pépite française du Digital learning CrossKnowlegde pour 175 millions de dollars. Que penser de ce rachat ?

Une magnifique aventure que celle de CrossKnowledge. Quelle belle réussite que celle de cette start-up 100% française. La bande des quatre a parfaitement maîtrisé son sujet. Mickaël Ohana l’Essec stratège surdoué, Pascal El Grably EM Grenoble le manager et négociateur talentueux, Steve Fiehl HEC, spécialiste de l’édition, en charge de l’innovation pédagogique et technologique, et Hervé Goudchaux l’homme des Ressources Humaines au riche passé chez Danone.

 

Une équipe de talents qui a su s’entourer de talents. Pour former à leur tour les talents de leurs clients. A peine 14 ans auront été nécessaires pour faire de cette start-up une entreprise qui compte sur le marché mondial de la formation. Pas tant par le poids de son chiffre d’affaires (quoique bien des organismes de formations seraient heureux de le réaliser) mais par sa capacité à convaincre les grandes entreprises et les grandes écoles à adopter leur solutions.

 

Une belle réussite

 

C’est une belle réussite que nous devons saluer. Un jour l’un de ses dirigeants confiait lors d’un déjeuner que, lorsqu’il a créé ce qui s’appelait alors Elearning  SA, il pensait avoir lancé une start-up internet. C’était en pleine euphorie du web 1.0, en 2000. Et comme des milliers d’entrepreneurs du web de l’époque… Il pensait faire un « coup ». Finalement, quelques années plus tard, après l’explosion de la fameuse bulle, il se retrouve à présider aux destinées d’une entreprise de formation de nouvelle génération.

 

Comme bien souvent, la réussite épate et fait bien des jaloux. Parfois raillée par la concurrence pour leurs méthodes commerciales ou une certaine arrogance due à leur statut de 1er de la classe. Elle n’en atteste pas moins une réalité. On peut en France avec du talent, des levées de fonds maîtrisées, de la constance et un sens marketing très affuté réussir dans une des industries les plus complexes : le business de la compétence et de la performance humaine.

 

Un modèle d’abord commercial, puis pédagogique

 

Présents ou représentés dans 25 pays ils ont su séduire et fidéliser les plus grands comptes grâce à une politique d’innovation pédagogique et d’investissement permanente. Rachat de Mohive (outil auteur, rachat de Epistema LMS), développement d’une collections de milliers d’objets pédagogiques, lancement de Serious games, social learning, mobile learning… Ils ont bâti un véritable modèle. Tout d’abord marketing et commercial, puis réellement pédagogique. Et géographique enfin, avec la conquête du Brésil et l’établissement sur le marché américain en 2013.

 

Un signe de plus que le monde de la formation est en train de changer à la vitesse grand V : débarquement des MOOCs, le raz-de-marée du digital dans les industries du contenu, la nouvelle loi sur la formation professionnelle de mars 2014… Les spécialistes de la formation ont de quoi s’interroger sur leur valeur ajoutée et leurs atouts de différenciation.

 

Des modèles bousculés par la crise

 

De l’espoir néanmoins pour les acteurs français de la formation professionnelle ayant investi le Digital Learning. La valorisation de CrossKnowledge (4,7 fois le CA) doit en faire rêver plus d’un. Elle révèle aussi combien peu d’investisseurs nationaux ont compris la valeur de ce secteur d’activité. Des entreprises qui travaillent sur la matière première essentielle à nos économies occidentales : le capital humain. La clé de l’innovation, de la valeur ajoutée et de la différenciation future.

 

Certes les modèles actuels sont bousculés par la crise, certes le métier est complexe, mais disposer dans son portefeuille d’actions, ou de sociétés qui savent mener et déployer des dispositifs multi-modaux à l’échelon local ou national, n’est-ce pas une formidable opportunité ? Il faut défendre ces champions actuels faute de quoi, demain nous serons condamnés à développer nos compétences à l’aune des solutions pédagogiques anglo-saxones. Faudra-t-il se résoudre à développer l’exception culturelle au « Learning à la française ? »

 

Souhaitons également que cette success story donne envie aux entrepreneurs français de se lancer à leur tour dans le Digital Learning. Une nouvelle fenêtre de tir s’ouvre à eux, le monde de la formation n’a jamais été aussi chahuté qu’aujourd’hui présenté autant d’opportunités pour le ré-inventer.

 

Ah oui dernier clin d’œil. La transaction finale de 175 millions de dollars devrait être conclue le 1er mai. Journée internationale de la fête du travail.  Alors qui sera le CrossKnowledge de demain ?

 

Philippe GIL

Co-fondateur de International Learning and Development Institute

Co-créateur du Digital Learning Day

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