Eligibilité contre imputabilité, où se situe la simplification ? Par Didier Cozin

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La réforme de la formation est officiellement lancée depuis le 6 mars 2014 et si certaines mesures sont immédiatement applicables (comme l’entretien professionnel) son « pilier », le CPF, est censé permettre dès 2015 à plus d’un million de travailleurs de se former.

Exit l’imputabilité, vive l’éligibilité ?

La formation qui était « imputable » jusqu’en 2014, va donc devenir « éligible » à partir de 2015. On aura au passage adroitement transféré vers le travailleur la charge de monter un dossier formation. Mais en ajoutant ainsi cette condition « éligibilité »  à la raffinerie formation on pourra difficilement prétendre que la simplification est en cours en matière de formation.

L’individualisation était certes une belle idée, mais elle aurait dû être accompagnée d’une complète simplification des règles et des procédures pour partir en formation.

Malheureusement, l’Etat semble bien incapable de lâcher la bride et ce qu’il accorde d’un côté (la formation sans l’accord de l’employeur et cessant d’être un impôt),  il le reprend aussitôt  en exigeant une introuvable et complexe éligibilité à une formation qualifiante.

L’imputabilité était un problème d’employeur, l’éligibilité va devenir un casse tête pour le salarié

Jadis les PME/TPE étaient écartées de la formation pour cause de complexité et de manque de lisibilité de l’offre. Désormais, c’est une majorité de salariés, toutes tailles d’entreprises confondues, qui pourraient être écartés de la formation. La « mal-formation » touchait principalement les petites structures, elle va s’étendre et se généraliser.

Avec la réforme de la formation, on s’achemine vers l’hyper-complexité.

Avoir travaillé 1 ou 3 ans et faire partager son projet à son employeur ne suffira plus pour se former (comme c’était le cas pour le DIF), il faudra maintenant se transmuer en ingénieur de formation pour obtenir informations, financements et peut être formation.

En prétendant individualiser la formation tout en écartant l’employeur du conseil et de l’accord, la Loi va nécessairement accroître les écarts éducatifs entre les travailleurs.

Le Conseiller en évolution professionnelle peut-il résoudre ces problèmes d’accès et d’information ?

Le législateur et les partenaires sociaux ont certes imaginé une aide à l’orientation : le Conseil en Evolution Professionnelle ou CEP. La validation du projet de formation ne passera donc plus par l’employeur (ou formellement via un entretien professionnel obligatoire tous les 2 ans) mais des institutions régionales censées mailler le territoire pour recevoir et conseiller potentiellement les 28,5 millions d’actifs.

Dès 2015, il faudra donc que des milliers de conseillers en évolution professionnelle soient formés et connaissent parfaitement l’environnement social et professionnel des salariés, les activités et la GPEC de l’entreprise, l’évolution des métiers, le marché mouvant de la formation, les certifications et qualifications et les possibilités (et limites) de financement du CPF (sans connaître le solde des heures  CPF du salarié puisque ce sera confidentiel) !

Le DIF sera remplacé par le Compte Personnel de Formation mais ce dernier va peut être aussi rayer de la carte les  bilans de compétences, remplacés à bon compte par des « bilans flash » assurés gratuitement par les régions mais sans garantie de qualité.

Le DIF était peu utilisé du fait des réticences des employeurs, le CPF a toutes les chances de rester confidentiel, réservé aux seuls initiés.

Pour que le travailleur « élu » se forme à son initiative en 2015, il lui faudra :

- Disposer de codes confidentiels permettant de connaître le solde de son compteur, ainsi que le contenu de son passeport formation.

- Disposer de la liste des formations qualifiantes qui lui seront accessibles (car une formation qualifiante pour l’un pourra ne pas l’être pour l’autre).

- Savoir si la qualification visée sera reconnue par l’employeur ou la branche professionnelle.

- Connaître d’une façon exhaustive l’offre de formation qualifiante (et homologuée) dans sa région.

- Savoir qui contractualisera et sous quels délais avec l’organisme de formation pressenti.

- Connaître les modalités de réalisation des formations, les dates et les places disponibles, les tarifs pratiqués ainsi que la somme dont il disposera pour se former.

- Savoir qui règlera le prix de sa formation (ainsi que son salaire pendant la formation).

- Savoir si son employeur, la région, le FPSPP, l’OPCA de l’employeur pourront abonder avec des sommes complémentaires sa formation.

- Savoir qui prendra en charge ses frais annexes  à la formation (déplacement, restauration, éventuel hébergement, garde d’enfants…).

- Savoir si la formation sera réalisée sur ou hors temps de travail, avec ou sans l’accord de son employeur.

- Savoir qui le remplacera sur son poste de travail durant  sa formation (qui pourra atteindre 370 heures soit 3 mois de stage)…

 

Didier Cozin est ingénieur de formation professionnelle.

 


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