La formation devient-elle liquide ? Par Stéphane Diebold

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La formation devient liquide. De quel liquide parle-t-on ? Une formation liquide est-elle à prendre par opposition à une formation solide ou avec une vraie définition intrinsèque ? Et si la formation devient liquide, le liquide ne va-t-il pas couler la formation ? Autant de questions qui interrogent les nouvelles postures du savoir. De quoi s’agit-il ?

La notion de formation liquide est à prendre au sens du père de la liquidé Zygmunt Bauman. Est liquide ce qui est dans « l’incapacité à garder durablement une forme ». La formation liquide est donc celle qui ne peut garder sa forme. La formation de l’ingénieur qui construit des savoirs solides autour de sachants qui savent est de plus en plus remise en cause dans une société qui perd en visibilité. Les savoirs s’émiettent, se parcellisent. Ne parle-t-on pas de granularisation des savoirs ? Et que dire des formations de pairs à pairs qui s’imposent dans le paysage ? Les apprenants deviennent-ils les sachants ? Que devient le rôle des clercs, quand les foules deviennent intelligentes ? Paradoxe de la situation : plus la formation s’émiette, plus la visibilité est faible, plus on propose de sécuriser les parcours professionnels ; rendre solide dans une société liquide.

Eviter la fossilisation des savoirs

 

De quoi parle-t-on au juste ? De la liquidité des contenus et des contenants. Les contenus ont un taux d’obsolescence de plus en plus fort. A l’heure de Twitter et le l’information in live, les savoirs n’ont plus le temps de se stabiliser. Leur industrialisation nécessite de construire les contenus au moment où on les diffuse. Nouveau paradigme de la formation, le liquide se substitue au solide. Le savoir solide est en besoin permanent de réactualisation. Le sachant doit être capable d’apprendre en permanence pour éviter la fossilisation des savoirs. Le fossile est une trace du passé, il ne s’agit même plus d’un solide, mais de la trace que le solide a laissé avant de disparaître. Le sachant qui sait laisse la place à un sachant qui construit son savoir. Ce savoir liquide est sous la pression des apprenants. Quel professeur en faculté n’a pas connu le fast checking, la vérification en directe de l’information donnée par le sachant ? Et s’il n’a pas pris la peine de la réactualisation de son savoir, quelle crédibilité lui reste-t-il ?


De l’avènementiel à l’événementiel

La formation liquide est adaptation. Dans un monde en infobésité, où il y a étrangement de l’information et de la formation, il n’y a pas de nouvelles postures. La formation doit être dans l’urgence de la réalité pour capter le temps de cerveau disponible, nouvel enjeu dans l’économie de l’attention. La formation avènementielle qui stabilise, solidifie les objectifs formatifs et les modes opératoires, laisse place à une nouvelle écriture de la pédagogie, une formation événementielle, où la surprise, le bond, le « Waouh » devient un outil pédagogique ; théâtralisation de la formation pour être entendu dans un monde de bruits.


Une formation de l’artiste

La formation liquide est une nouvelle façon de penser la formation : la fin de la formation de l’ingénieur pour proposer une formation de l’artiste, étymologiquement celui qui combine les outils de la formation et qui milite pour une esthétisation de la formation. La formation renoue avec la volonté d’être militant dans une société qui se cherche, une volonté de promotion sociale, de construire la société à venir. La formation liquide qui devait être à l’origine transitoire, pour passer d’une formation solide à une autre, pourrait devenir la nouvelle éthique de la formation dans un monde en recherche de sens.

A propos de l’auteur :

Stéphane Diébold a mis son expérience au service de l’innovation pédagogique et de la performance en entreprise, au sein de TEMNA (www.temna.fr) dont il est le fondateur depuis 2003. Associatif, il a assumé des responsabilités dans une dizaine d’association, essentiellement formatives, aujourd’hui président du GARF (Groupement des acteurs et responsables formation) et vice-président de l’ETDF (European traning and development federation – Fédération européenne pour la formation et le développement).

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