Le CPF et ses formations éligibles, un tuyau de plus dans l’usine à gaz formation. Par Didier Cozin

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Les services formation connaissaient déjà les formations "diplômantes" et les formations "certifiantes"… désormais la France au travail va devoir intégrer cette notion floue, variable et inaboutie de formations « qualifiantes ».

Prenons quelques exemples de formations « qualifiantes »... Une formation en « biérologie » de 2 jours, ou un certificat « métanature » de 8 jours (proposées toutes deux par des universités publiques en Ile de France) seront-elles qualifiantes ? Oui sans doute puisque c’est le secteur public qui les propose.

A l’inverse, une formation « Initiation à Excel » en 3 jours ou « gestes et postures » de 2 jours ne seront pas qualifiantes (même si elles pourraient être utiles au salarié) car trop courtes et non reconnues par une certification officielle.

Une commission va-t-elle bientôt départager la centaine de milliers de formations qui sont proposées en France en leur décernant des homologations ? homologations valables pour combien de temps ? Comment le droit de la concurrence pourra-t-il s’exercer  en matière de formation si seuls les organismes publics ou parapublics sont homologués ?   

Formation homologuée, mais pas adaptée...

On connaît trop bien le process d’homologation et les retards considérables qu’il provoque !

Depuis 2 ans par exemple tous les professionnels de santé doivent se former via le DPC (Développement Professionnel Continu). Ils sont censés en passer par une formation homologuée mais aujourd’hui près de 4 000 organismes de formation attendent leur homologation sans pouvoir former les professionnels de santé.

Mieux encore, certains grands CHU de Province ne sont toujours pas homologués par l’OGDPC (l’organisme en charge de répertorier et d’homologuer les formations).

Même si la formation est homologuée, comment déterminer si elle est adaptée au stagiaire ?

La notion de qualification est peut être déjà dépassée

Si, dans l’ancien monde du travail, la qualification était simple à définir via un référentiel stable et accessible, désormais dans la société de la connaissance et des réseaux, les compétences et les connaissances évoluent très vite. La notion même de qualification est devenue improbable, trop figée et de moins en moins évidente et utile aussi bien pour les employeurs que pour les travailleurs.

Les employeurs recherchent moins des qualifications que des compétences, de l’expérience, des savoirs faire et du savoir être, rarement un parchemin.

L’Etat ne donne évidemment pas l’exemple en dépensant des sommes considérables pour les « préparations aux concours de la fonction publique », mais pour quel bilan, pour quelles réussites ? La compétence et les qualités professionnelles d’un travailleur sont-elles réellement attestées par sa réussite à un concours ? La réussite à un examen ou à un concours rend-elle compétent et le travail mieux réalisé ? Sous la III ème République, c’était sans doute le cas mais aujourd’hui beaucoup en doutent.

Le diplôme lui-même est  remis en question dans le monde du travail :

Par ses modalités d’acquisition : quand il existe un « droit de l’homme du diplôme » (Alain Finkielkraut) quel crédit et quelle valeur peut-on accorder à un diplôme surtout s’il est décerné par une institution ne pratiquant aucune sélection ?

Par la défiance de l’Education nationale vis-à-vis des entreprises. L’Education nationale a disqualifié pendant des décennies les entreprises du secteur privé. Elle forme de nombreux jeunes sans connaissance des débouchés professionnels.

50 % des diplômés ne trouvent toujours pas de travail un an après l’obtention de leur diplôme et ce mouvement va sans doute s’amplifier.

« Le CPF, simple pour les salariés, simple pour les entreprises » a indiqué Michel Sapin le 22 janvier 2014... Que se passera-t-il le 1 er janvier 2015 si ce choc de simplicité n’est pas au rendez vous ? Comment et sur quels budgets les 22 % d’adultes en grande difficulté éducative se formeront-ils ? 

1 milliard d’euros, cela fait une moyenne de 1 000 euros par personne pour des formations longues de 100 ou 200 heures de formation, le compte n’y est pas.

Notre pays pourra-t-il conserver son modèle économique et social alors que sa compétitivité est en berne et que les compétences de nombre de travailleurs sont devenues insuffisantes.

La réforme de la formation est passée mais qui peut affirmer que le texte (qui nécessite encore quantité de décrets d’application) est abouti, réfléchi et capable d’accompagner les travailleurs au XXI ème siècle ? On aimerait y croire mais les bonnes intentions affichées ne suffiront pas à sortir notre pays de ses impasses éducatives et sociales.

Didier Cozin

 

Didier Cozin est ingénieur de formation professionnelle.

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