Réforme de la formation professionnelle : difficile année 2015

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La nouvelle organisation de la formation professionnelle : un cadre prometteur mais marqué d’incohérences… Voilà comment de nombreux responsables formation et organismes spécialisés analysent la réforme lancée le 1er janvier dernier. De quoi expliquer une mise en œuvre difficile tout au long de l’année 2015.

« Ce que l’on retient de la réforme, c’est d’abord sa mise en place laborieuse.  Après un important effet d’annonce ont suivi de longs mois pendant lesquels les décrets d’application ont été publiés au compte-goutte. Ce flou institutionnel a compliqué le travail de l’ensemble des interlocuteurs du secteur: organismes de formation, Opca, entreprise et bien sûr candidats. » Guillaume Huot, membre du directoire de Cegos, en charge de l’activité formation inter-entreprises, juge ainsi ces 12 derniers mois post-réforme de la formation professionnelle. Avec un constat que beaucoup partagent : « Une véritable période transitoire aurait sans doute été bénéfique »

 

Un recours trop complexe au Compte personnel de formation

En clair, et même si la situation semble s’être améliorée au fil de l’année avec une utilisation croissante du CPF et une clarification progressive des listes de formations éligibles, beaucoup de temps a été perdu. Et certaines incertitudes demeurent. Selon Gilles Pouligny, directeur général adjoint de l’IGS en charge de la formation continue et des partenariats, « le recours au Compte personnel de formation demeure trop complexe. Les listes qui répertorient les diplômes et titres éligibles sont difficiles à lire pour les salariés et demandeurs d’emploi. » Signe que la réforme n’a pas forcément atteint ses objectifs en termes de publics, une institution comme l’IGS a vu arriver en 2015 de nombreux candidats cherchant à engager une formation sans passer par le CPF. « Les principales demandes qui nous sont arrivées dans ce cadre l’ont été à l’initiative des Opca et pas des individus eux-mêmes, reprend Gilles Pouligny. Quant aux entreprises, elles ne se sont pas encore approprié ce dispositif. »

La réforme par ailleurs critiquée par la Fédération de la formation professionnelle (lire l’interview du président Jean Wemaëre) recèle cependant quelques promesses. Au mois d’octobre, Demos indiquait ainsi dans une étude détaillée (1) que 45% des responsables formation s’attendait à un « impact positif », pour 33% de perspectives négatives. Selon Guillaume Huot « on va dans le bon sens en passant d’une logique de dépense obligatoire à une logique où la formation sera un levier d’investissement à part entière mettant les employeurs et les salariés face à leurs responsabilités. »

 

« Un véhicule universel pour des situations très variées »

Mais en dépit de cette perspective positive, de nombreuses questions demeurent.

 « Le Compte personnel de formation a été pensé comme un véhicule universel alors que les situations sont très variées, complète Guillaume Huot. Le salarié en poste a-t-il besoin de formations diplômantes de 700 heures ? Et s’il leur trouvait une utilité, comment les financer avec un dispositif de 150 heures maximum ? » En clair, le CPF ne sera pas facile à utiliser pour le salarié. Et si quelques partenaires comme l’Afdas et le Fafiec ont décidé de compléter le financement de certains parcours, la solution reste partielle. Idem pour la « modularisation » initiée par de nombreux établissements de leurs cursus longs en « blocs » cumulables sur plusieurs années. 

Et même si les entreprises sont supposées s’occuper des formations laissées de côté par le CPF en les incluant dans les plans de formation, la réforme pâtit de ne pas s’adresser elle-même à toute une catégorie de salariés fragiles qu’il faudrait aider à s’adapter dans l’emploi.

Au final relève l’étude menée par Demos, 61% des entreprises se déclarent perturbés par la mise en place de la réforme. L’enquête de l’institut pointait enfin la faible mise en œuvre des entretiens professionnels. En octobre, « seuls 20% des entreprises avaient communiqué sur les entretiens professionnels, et seuls 50% avaient commencé à les mettre en œuvre. »

 

Antoine Teillet

 

(1) Enquête Demos : impact de la réforme sur les responsables formation en 2015.

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