Réforme de la formation professionnelle : obliger à former plutôt qu’à dépenser

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Le projet de loi relatif à la formation professionnelle a été adopté en Conseil des Ministres le 22 janvier dernier. Selon les différents acteurs et observateurs, ce projet ambitieux va dans le bon sens. Quant au gouvernement, il le présente comme sa nouvelle arme « anti-chômage ». Qu’en est-il vraiment ?

Il aura fallu plus de 20 heures de discussion aux partenaires sociaux pour parvenir à un accord sur l’avenir de la formation professionnelle. Le projet de loi qui résulte de ces négociations sera examiné en février au Parlement. Présenté comme radicalement novateur, il repose sur un changement complet d’approche : la formation professionnelle doit devenir un investissement pour les entreprises, et non plus une charge.

Actuellement, la formation professionnelle apparaît trop souvent comme une charge financière, avec un retour sur investissement incertain : « Chaque année, ce sont des centaines de millions d’euros qui sont mal utilisés dans un système qui ne fonctionne pas » observe Michel Fourmy, expert en management des ressources humaines et auteur d’un rapport pour l’Institut Thomas Moore*. Il ajoute qu’en outre, le système d’accès aux formations en l'état actuel est illisible, et laisse sur le coin de la route ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire les moins qualifiés et qu'il pousse certaines entreprises à « former pour dépenser, parfois dans le vide ». Le projet de loi prévoit de rectifier le tir en assignant de manière plus efficace les fonds alloués à la formation professionnelle et en responsabilisant les employeurs.

 

« Le point commun entre CPF et DIF ? Un sigle de trois lettres »

 

Cette nouvelle orientation a été approuvée par la FFP (Fédération de la formation professionnelle), présidée par Jean Wemaere, qui « se félicite de ce que le projet de loi consacre le rôle économique et social de la formation professionnelle (…) et institutionnalise la responsabilité sociale de l’employeur dans le maintien des compétences de ses salariés. » 

Concrètement, deux volets majeurs devraient permettre la mise en œuvre sur le terrain : le CPF (Compte personnel formation) et l’entretien professionnel.

Opérationnel à partir du 1er janvier 2015 pour tous salariés et chômeurs, le CPF sera crédité de 20 à 10 heures de formation par an, dans la limite de 150 heures. Portable, ce compte suivra les actifs tout au long de leur carrière. L’employeur pourra faire appel au CPF du salarié via la négociation.

Pour Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, négociateur sur la formation professionnelle et signataire de l’accord, « Le CPF entraine un changement radical. Il n’a aucun point commun avec le DIF - qui disparait - si ce n’est un sigle en trois lettres. Ce changement est une bonne chose car le DIF a été un échec : on a voulu plaquer un modèle unique sur un groupe de salariés hétérogènes. Le DIF considérait que les salariés étaient tous en égaux devant la formation professionnelle, or cela est faux. Avec le CPF, on distingue salariés et demandeurs d’emploi. De plus, on en fait un enjeu de progression individuelle lié à une demande puisque les entreprises, les branches et les territoires, auront leur mot à dire sur l’objectif de ces formations faites dans le cadre du CPF et qui seront obligatoirement qualifiantes ».

Même  enthousiasme du côté de la FFP : « Le CPF  implique davantage les individus dans la gestion de leur parcours,, y compris dans les phases de transition professionnelle. Il permet au salarié de monter en compétences par des mécanismes incitatifs ».

 

L’entretien professionnel : faire un point tous les deux ans

 

L’autre pierre angulaire de ce projet de loi est l’entretien professionnel avec l’employeur. Obligatoire tous les deux ans, il a pour objectif d’étudier les perspectives d’évolution professionnelle des salariés : le salarié a-t-il bénéficié d’une formation ? D’une évolution professionnelle ? D’une VAE (validation des acquis de l’expérience) ?  Un CEP (Conseil en évolution professionnelle) doit venir en support : « Que l’on soit chômeur ou salarié, il ne faut qu’un seul interlocuteur concernant les questions de formation, alors qu’aujourd’hui nous en avons pléthore » déclare Michel Fourmy, qui plaide également pour le développement d’une véritable GPEC territoriale pilotée par les régions, les partenaires sociaux et les entreprises locales, c'est-à-dire les instances « les mieux placées pour évaluer les besoins actuels et à venir en matière d’emploi ». Les branches professionnelles, via des études prospectives sur les futurs besoins en qualification, ont également un rôle à jouer afin d'orienter les formatiosn vers les besoins. Une démarche qui a ses limites : on estime qu’environ 25 à 30 % des métiers qui existeront en 2030 ne sont pas encore connus aujourd’hui.

Christina Gierse

 

* Institut Thomas Moore, think tank d'opinion basé à Paris et Bruxelles.

 

Quel financement pour les entreprises ?

L’accord prévoit la création d’une contribution unique pour les entreprises, au lieu de trois aujourd’hui. Cette contribution ira de 0,55 % de la masse salariale pour les entreprises de moins de 10 salariés, à 1% pour celles de plus de 50 salariés. Actuellement, la contribution est d'à peu près 0,9%, mais elle peut atteindre 1,6%. 
 
 
 


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