Les salariés français vont-ils pouvoir se former via un Compte Personnel Formation ? Par Didier Cozin

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Quand on parle de formation il faut garder en mémoire certains chiffres tout en prenant conscience que ni la Loi, ni les accords sociaux, ni le code du travail ne parviendront à changer la formation si chacun ne prend conscience que la formation est un effort.

Au XXI ème siècle la formation représente un triple effort :

Pour la collectivité qui ne peut plus se contenter d’investir dans l’éducation initiale des jeunes en oubliant à leur poste de travail les millions de travailleurs disqualifiés.

Pour les entreprises et organisations de travail qui doivent consacrer du temps, des moyens humains et financiers pour préparer l’avenir.

- Et enfin pour les travailleurs (notamment ceux qui sont peu qualifiés) qui doivent intégrer que la société de la connaissance et de l’information ne leur fera pas de cadeau s’ils ne consacrent pas un temps important à développer leurs compétences. 

Petit rappel historique

Depuis la Loi de 1971 instituant le 1 % patronal (en fait 0,8 %)  pour la formation continue, notre pays a coutume de calculer le montant des cotisations formation sur la masse salariale des organisations (donc sur la rémunération brute annuelle de chaque salarié).

Ce mode de calcul est profondément  injuste car il consiste à « doter » les travailleurs les moins qualifiés (nécessairement moins bien payés) des plus faibles budgets pour se former (typiquement moins de 100 euros par an et par personne).

C’est un peu comme si l’Education nationale accordait 3 fois plus de budgets  aux écoles des Yvelines qu’à celles de la Seine St Denis sous prétexte que les parents des uns sont cadres, alors que les autres sont ouvriers.

Après quarante années de telles pratiques nous connaissons les résultats en terme éducatifs :

- 50 % des budgets sont dédiés à la formation d’une petite élite de travailleurs (les 6 % les plus qualifiés et en général  les mieux payés)

- Les PME/TPE cotisant peu (car censées s’appuyer sur la mutualisation via les OPCA) se désintéressent globalement de la formation (quand on ne paye pas, ou peu, on pense à autre chose)

- Dans le secteur privé près de 50 % (47 % exactement) des dépenses formations ne sont en fait que des dépenses annexes que l’entreprise paie d’une main puis récupère de l’autre (salaire des stagiaires en formation, coût des centres de formation, frais de déplacement, d’hébergement ou de restauration…)

- Près de 22 % des adultes en France présentent de graves lacunes de compréhension d’un texte simple ou ne savent pas résoudre des problèmes simples. *

Le mode de calcul consistant à faire financer la formation en la reposant sur la masse salariale pouvait sans doute trouver sa justification en 1971 dans une société industrielle où seuls les techniciens et ingénieurs  devaient être formés. Aujourd’hui le système de formation est  plombé par l’absence de financement pour les personnels non qualifiés (particulièrement pour les travailleurs précaires, pas seulement dans les PME évidemment).

Le paradoxe est évident : plus votre activité est difficile et précaire dans le secteur concurrentiel, moins vous disposez de budgets (et de moyens matériels et humains) pour former les personnels.

Plus ennuyeux encore : ce sont les personnels de terrain, à la production, qu’il est le plus difficile de laisser partir en formation sur leur temps de travail (un cadre peut toujours rattraper son travail après son retour de formation).

La peau du DIF

En janvier 2013 les partenaires sociaux se sont accordés pour dissoudre  le Droit à la formation (DIF) et le remplacer par un Compte Personnel Formation (dont personne ne sait s’il sera utilisable par tous avant la fin de la présente décennie).

Ils sont partis du principe que le DIF n’avait pas fonctionné parce qu’il avait été monétisé (une heure de DIF valant 9,15 euros dans le cas de la portabilité).

C’est une erreur.

Le DIF portable n’a pas fonctionné parce que :

- Le doter de 9,15 euros par heure n’était pas raisonnable (la Cour des Compter avait calculé en 2009 qu’une heure de DIF coutait en moyenne 42 euros)

- Ces malheureux 9,15 euros de l’heure en cas de départ de l’entreprise, personne encore  ne voulait les payer :

  • l’entreprise voyant son ex-salarié partir ou étant en mauvaise posture financière ne souhaitait pas payer 1 098 euros pour 120 heures de DIF accumulés.
  • l’OPCA n’était pas non plus ravi de payer cette somme et pouvait toujours prétexter l’épuisement des budgets mutualisés (ou le non paiement de la cotisation par l’employeur).
  • Le transfert de cette somme d’un OPCA à l’autre en cas de changement d’employeur nécessitait des acrobaties  que bien peu réussir à exécuter.

L’accord du 11 janvier 2013 semble généreux en précisant « La transférabilité n’emporte pas monétisation des heures. Les droits acquis demeurent comptabilisés en heures, quel que soit le coût horaire de la formation »

Cette « générosité » sur le papier ne doit abuser personne. Dans une entreprise de main d’œuvre comptant plusieurs milliers de travailleurs, un salarié pourra toujours demander à son chef une formation de 120 heures coutant  5 000 euros (40 euros par heure), celle-ci ne sera jamais acceptée (ou si elle devait l’être elle le serait pour un très petit nombre de personnes).

Les pouvoirs publics ont cru donc trouver la solution en imitant le CIF (qui coûte 0,2 % de la masse salariale aux entreprises au-delà de 20 salariés)  avec une cotisation qui s’élèverait à  0,3 % de la masse salariale pour alimenter le CPF.

Cette « générosité » honore les pouvoirs publics, mais un rapide calcul démontre qu’un SMICARD (et tous les travailleurs non qualifiés n’atteignent pas ce niveau de rémunération car travaillant parfois à temps partiel) gagnant 1430 euros brut par mois disposera en tout en pour tout de 51,48 € pour se former chaque année !

*Enquête PIAAC de l’OCDE publiée le 8/10/2013 : 

En France en littératie, seuls 7,7% des Français atteignent les deux niveaux de compétence les plus élevés alors que la moyenne est de 11,8% dans l'OCDE. La proportion d’adultes français obtenant de faibles scores en littératie (niveau inférieur ou égal au niveau 1) est quant à elle l’une des plus importantes parmi les pays participants : 21,6 %, contre 15,5 %, en moyenne, dans les pays de l’OCDE participant à l’enquête.

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