DIF : le piège des 120 heures

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En mai 2010, le DIF fêtera ses 6 ans et un certain nombre de compteurs atteindront, cette année, le plafond des 120 heures. Si les salariés concernés se réveillent tous en même temps, l'addition risque de se révéler sévère. Quelles solutions s'offrent alors aux entreprises pour désamorcer, en douceur, cette bombe dont le retardateur arrive à échéance ?
« Face au DIF, il y a deux types de salariés : ceux qui se forment et les autres », commence Caroline Bettini, HR manager France chez Lenovo. Et c'est bien avec le second type de population que le problème est né. Si les compteurs atteignent aujourd'hui leur plafond, c'est en partie parce que de nombreux salariés affichent un manque d'appétence pour la formation.
L'autre problème tient dans le fait que les salariés français connaissent encore mal le DIF. En atteste la dernière enquête publiée par Demos à l'occasion des Trophées du DIF le 18 mars dernier (1). Selon celle-ci, si les salariés identifient le DIF comme un dispositif de formation, il n'en maîtrisent encore que trop peu le mécanisme d'acquisition des heures-DIF, ses objectifs, les possibilités de refus ou encore les modes de financement.
Autant de freins à une utilisation régulière et réfléchie du dispositif. Des freins qu'il appartient aux entreprises de lever.
Miser sur la communication
Les expériences des différentes entreprises récompensées lors des Trophées du DIF l'ont prouvé : la communication autour du dispositif est essentielle pour développer son utilisation. « Il ne suffit pas de communiquer au salarié le nombre d'heures dont il dispose, précise Caroline Bettini. Nous avons, par exemple, réalisé une note pour leur expliquer ce qu'est le DIF et comment il fonctionne. » La professionnelle RH rappelle également l'importance de rencontrer les partenaires sociaux. Elle appuie : « Ils ont une vraie fonction de relai dans l'entreprise et ont désormais conscience de l'importance du dispositif. »
Autre outil de communication qui a fait ses preuves en la matière : le catalogue DIF. « Nous avons donné trois ou quatre exemples de formations par domaine (management, langues, informatique...), pour donner une idée aux salariés de ce qui était faisable avec le DIF », explique Guillaume Dessi, responsable développement des compétences et formation chez Aubert et Duval Les Ancizes (groupe Eramet). Caroline Bettini poursuit : « Il est important de rappeler en milieu d'année les formations qui relèvent du plan et celles qui relèvent du DIF. »
Faire preuve de pédagogie
Et la communication à destination des salariés ne doit pas être une coquille vide. « Il faut y mettre de la pédagogie », insiste Nathalie Olivier, consultante-formatrice RH chez Orsys. Elle précise : « Pour les salariés qui refusent de se former, il faut leur expliquer quelles sont leurs lacunes, et comment on devient très vite incompétent. » Caroline Bettini reprend : « Pour les femmes, le DIF est également un moyen de briser le plafond de verre. C'est un des moyens à leur disposition pour montrer qu'elles ont envie d'évoluer et qu'elles en sont capables. »
La pédagogie se fait parfois aussi à l'égard des chefs d'entreprise, en particulier dans les petites entreprises. Si certains salariés ne s'y forment pas, c'est parce que les possibilités d'évolution y sont très vite limitées. Du moins, en apparence... « Un dirigeant ne peut pas tout faire tout seul, détaille ainsi Nathalie Olivier. Il a besoin de se faire accompagner sur la communication ou le commercial. Et là, il peut associer ses collaborateurs en leur proposant des offres "difables". »
Et même en l'absence d'évolution, la formation est parfois un bon moyen de se sentir plus à l'aise dans son poste, via une meilleure maîtrise d'un logiciel, par exemple.
Une vraie ingénierie de formation
Surtout, encore géré principalement au fil de l'eau, le DIF connaîtra son essor lorsqu'il sera associé à part entière à une démarche d'ingénierie de formation. Une conviction qu'affiche Nathalie Olivier : « Lorsque vous l'associer à une démarche de Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, le DIF devient une vraie stratégie dans la politique formation. » Une démarche qui, si elle est menée avec pédagogie, permet aux salariés de comprendre à la fois leur intérêt et celui de l'entreprise. Guillaume Dessi illustre : « L'année dernière, nous avons également articulé le DIF à des périodes de chômage partiel. »
Sous certaines conditions, le DIF peut aussi être utilisé pour réaliser des périodes de professionnalisation ou dans le cadre d'une Validation des acquis de l'expérience. « La VAE fonctionne très bien, si le salarié est accompagné », prévient Nathalie Olivier.
120 heures… et après ?
Mais, la question essentielle reste en suspend : " Et si le salarié demande à bénéficier de ses 120 heures ? " « L'employeur doit évaluer la pertinence de l'action de formation et voir si l'absence du collaborateur ne pose pas problème », avance Caroline Bettini. Si l'action de formation est inappropriée ou la période mal choisie, l'employeur peut aussi proposer au salarié une autre formation ou une autre période, peut-être moins problématique pour l'activité de l'entreprise.
Surtout, force est de constater que rares sont les salariés qui demandent un tel temps de formation. « Jusqu'à présent, aucun salarié ne nous a adressé une telle demande, confirme Guillaume Dessi. Ce qui est peut-être lié aussi au fait que peu de formations sont adaptées à cette durée. » Le responsable développement des compétences et formation ajoute : « Quelques formations, en particulier en langues, de 40 ou 50 heures étalées sur 8 ou 9 mois sont pertinentes. » Une bonne solution aussi pour faire baisser les compteurs DIF.
Pour Nathalie Olivier, le vrai problème ne réside pas autour de cette question des 120 heures. « La vraie difficulté, c'est de rendre les salariés acteurs de leur formation et de leur donner le goût, l'appétence pour la formation. Car pour les employeurs, l'obligation ne réside plus tant dans le fait de payer la formation que de former les salariés sur l'adaptation à leur poste de travail et à développer leur employabilité. »
Brice Ancelin
(1) Enquête menée d’octobre 2009 à mars 2010 auprès de 1800 salariés. Extrait de l’analyse réalisée par Jean-Pierre Willems, expert en droit de la formation et intitulée : Droit individuel à la formation : quelle réalité pour les salariés ? A noter que cette enquête a été réalisée auprès d’une majorité de cadres travaillant dans des entreprises de plus de 1000 salariés ; une population traditionnellement plus fréquemment formée et des entreprises affichant des pratiques de formation mieux établies.
Télécharger l’enquête

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