Et pourquoi ne pas payer les stagiaires ? Par Stéphane Diebold

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La question peut paraitre iconoclaste, payer pour apprendre. Mais ce n’est pas si étrange que cela : qui aurait parié que l’on paierait des lycéens, juste pour qu’ils soient présents en cours ? La somme, aujourd’hui, est de 2 000 €, mais pourrait aller jusqu’à 10 000 €. Heureusement, cette expérimentation est pour la bonne cause, la cagnotte sera consacrée à des projets éducatifs. Mais demain ?
- L’expérience anglaise montre qu’un élève peut gagner de 15 à 100 euros par semaine, selon un système de tirage au sort. Ce n’est pas neutre, 400 euros pour un mois… Si l’éducation nationale accepte de payer pour obtenir ce qu’elle attend, le monde de l’entreprise, monde de l’argent par excellence, peut naturellement s’interroger : pourquoi ne pas payer les stagiaires ? Après tout, si cela augmente l’efficacité…
- Pour quoi payer ? Tout dépend de la définition que l’on a de la formation : soit on considère que l’apprenant est un consommateur de formation qui choisit sa formation en fonction de ce qui lui est utile, il paye donc pour ce qu’il veut ; soit l’apprenant est un producteur de prestation pour l’entreprise qui investit en lui. Et dans ce cas, l’entreprise ayant besoin de compétences, il n’y a rien d’illogique à ce qu’elle investisse, voire qu’elle paye, pour construire l’entreprise de demain. Il s’agit de créer des stimuli qui favorisent l’implication des apprenants, la science économique a assez bien calibrée ce type de situations. Et si l’entreprise veut entrer dans l’ère du savoir, pourquoi ne pas s’en donner les moyens ? Si on paye suffisamment, on peut imaginer que la motivation sera de retour, les entreprises payent bien pour le travail avec des gains de productivité spectaculaires... Même cause, même effet ?
- L’idée paraît moins iconoclaste. D’ailleurs on pourrait objecter qu’on les paye déjà, vu qu’ils se forment sur leur temps de travail… Et cela représente un coût dans le budget de formation, qui est estimé approximativement à un tiers des dépenses formatives. Mais cela n’est pas suffisant, il ne s’agit pas d’une incentive ou d’un stimulus, il manque le petit plus qui donne l’envie… Enfin, petit, cela dépend… Une autre question se pose alors, combien payer ? Des méthodes d’évaluation existent. Par exemple, Gary Becker avait proposé une méthodologie d’avantages / coûts fondée sur la comparaison entre les gains à venir et les coûts pour obtenir ces gains. Cette méthode, comme toutes autres, soulève d’autres questions. Là, l’inégalité des potentiels interroge sur l’inégalité d’accès à la formation : un cadre supérieur a-t-il le même potentiel et le même coût qu’une basse qualification ? Il vaut toujours mieux être riche que défavorisé… Mais au moins, la question du combien trouve une réponse.
- Enfin, une dernière question serait : qu’est ce que l’on va payer ? La présence, comme à l’Académie de Créteil, ou l’acquisition des compétences ? Et si l’on parle de la performance de la formation, on retrouve ce marronnier : la formation est-elle efficace ? Et comment évaluer son efficacité ? Rien de bien simple. Le véritable enjeu de l’ensemble de ces questions ne serait-il pas de savoir si la formation doit, ou non, devenir une marchandise comme les autres ? L’avenir nous répondra.
A propos de l’auteur : Stéphane Diebold est un spécialiste de la formation et du management, avec 15 ans d’expériences dans la direction de la formation initiale (écoles supérieures de commerce) et la formation continue (Midas France, Groupe Galerie Lafayette). Il a mis son expérience au service de l’innovation pédagogique et de la performance en entreprise, en France et à l’étranger, au sein de l’Institut Avicenne dont il est le fondateur.
Collaboratif, il s’est investi dans le monde associatif avec différentes fonctions, dont la vice-présidence du GARF (Groupement des Acteurs et des Responsables de Formation), d’ETDF (European Training and Development Federation), la Team Factory ou Délégué Général du Comité mondial de la formation tout au long de la vie. Il est également créateur de Temna (http://www.temna.fr).



Du même auteur, publié sur FormaGuide : - Peut-on revenir aux fondamentaux de la formation ? Par Stéphane Diebold - Information et formation, une relation en devenir. Par Stéphane Diebold - Qu’est ce que la réalité augmentée peut apporter à la formation ? Par Stéphane Diebold - Que peuvent nous apprendre les sites de rencontres sur la formation ? Par Stéphane Diebold - Le formateur doit-il être un « show man » ? Par Stéphane Diebold - La formation peut-elle être « éthique » ? Par Stéphane Diebold - L’individu doit-il vraiment devenir acteur de sa formation ? - La pédagogie est de retour. Par Stéphane Diebold - Les temps changent, la formation évolue. Par Stéphane Diebold - « Un nouvel outil au service du responsable de formation : le marketing formation ». Par Stéphane Diebold - La formation en management a-t-elle encore un sens ? Par Stéphane Diebold

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