Mais ce n’est pas si simple, car si on lit la presse, on peut dire que les personnes qui participent aux réseaux sociaux changent de comportement. Le plus souvent, la littérature consiste à regretter ces nouveaux comportements. Les jeunes ne s’abrutissent-t-ils pas sur Twitter ? S’il y a transformation - et il y a bien trans-formation, comme processus de mutation-, cela nécessite qu’on y regarde de plus près…
Deux théories semblent prendre en compte ces nouveaux phénomènes : les apprentissages incidents, qui interrogent sur la notion d’intentionnalité, et les communautés de pratiques, qui interrogent sur la dynamique d’apprentissage.
Les apprentissages incidents sont nés avec Wilbur Schramm, Jack Lyle et Edwin Parker, en 1961 : chaque membre est au spectacle, il ne prête pas attention au contenu mais apprend quand même (les auteurs parlaient particulièrement de la télévision). L’objectif n’est pas d’apprendre, mais si, en plus, on peut le faire, pourquoi pas ? On pourrait appeler cette théorie l’apprentissage en passant, ou, au sens étymologique du terme, l’apprentissage en s’amusant. Cette démarche est illustrée par des concepts comme la sérendipité qui est au cœur de l’innovation ou de l’adaptabilité. Evidement, cette théorie sort de l’intentionnalité de la formation pour en ouvrir une autre : l’apprentissage. Les réseaux sociaux peuvent être mis en parallèle avec des outils comme le téléphone ou la télévision. On pourrait rappeler que la première émission de télévision en France était née pour faire entendre et diffuser la culture au plus grand nombre. La télévision était éducative, aujourd’hui, la webTV fait exploser la TV formative et éducative… Il ne faut pas confondre le média et le contenu du média.
Les communautés de pratiques, conceptualisées par Jean Lave et Etienne Wenger, donnent moins d’importance au contenu qu’au fait de s’engager : apprendre, c’est s’engager. On retrouve le learning by doing, la formation est un processus d’ajustement des savoirs, des compétences, des attitudes voire des talents à des situations. L’engagement est l’étape fondatrice de l’apprentissage.
L’apprenant devient acteur de son changement, c’est ce que l’on appelle l’individuation. Ce qui est important c’est le mouvement plus que l’aboutissement qui est plus ou moins incertain. Dans les réseaux sociaux des individus apprennent à devenir des producteurs de savoir dans une démarche de coproduction. Je n’ai pas la solution, peut-être que personne ne l’a, mais ensemble nous allons chercher. Le savoir n’est plus pré établi mais en construction, knowledge by doing. Des réseaux sociaux qui apprennent à apprendre.
L’ensemble de ces théories sont intéressantes car elles ouvrent une nouvelle façon de penser la formation : si la formation est trans-formation, alors c’est le flux qui prime sur le stock, et les compétences nouvelles sont de savoir produire de la formation pour se former. La formation de masse nous avait fait oublier que l’homme n’est pas une cruche qu’il faut remplir, mais qu’il possède déjà tout ce qui fait la formation transformation, le tout c’est de lui réapprendre à s’écouter à se lancer, à revenir à ses instincts formatifs… Tout un programme qui consiste à apprendre à désapprendre pour libérer l’homme en lui permettant de renouer avec sa nature… Voilà de quoi favoriser les clavardages.

A propos de l’auteur Stéphane Diébold … Il a mis son expérience au service de l’innovation pédagogique et de la performance en entreprise, au sein de TEMNA (http://www.temna.fr) dont il est le fondateur depuis 2003. Associatif, il a assumé des responsabilités dans une dizaine d’association, essentiellement formatives, aujourd’hui Vice-président du GARF (http://www.garf.asso.fr) et de l’ETDF (http://www.etdf-fefd.eu/fr ) »

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