La formation fait son show. Par Stéphane Diebold

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L'acte de formation change. Tout le monde est à peu près d'accord avec ce lieu commun, reste à savoir quel est la nature de ce changement. Et c'est là où ce consensus se fissure pour le moins. Le sociologue Edgard Morin apporte un repère important lorsqu'il affirme que la formation doit devenir affective. L'homme change et logiquement la formation de l'homme aussi. Eva Illouz parle d'homo sentimentalis. Il en est fini de l'homme rationnel, qui pour construire son autonomie investissait le domaine de la formation, elle-même organisée en organisation scientifique de la formation. L'homme moderne a laissé place à un nouvel être post moderne. Même si on ne perçoit pas encore bien les conséquences pour l'acte formatif, les changements sont là durablement.
Si l'appétence formative est si difficile à construire au point de penser le marketing de la formation, il peut être intéressant de faire des benchmarks en regardant des modèles qui réussissent. En 2007, chaque français regardait la télévision en moyenne, par jour, 3h27. C'est 3 minutes de plus qu'en 2006. Au total depuis 2004, l'ensemble des télévisions ont capté 1,2 millions de téléspectateurs en plus. On vole de records historiques en records historiques. Et tout ceci sur la base du volontariat. Là où l'auto formation a du mal à susciter l'envie, la télévision réussit au-delà des attentes. Il est fort à parier que l'un des deux est plus en phase avec la société. Reste à l'autre à prendre des leçons.
Plusieurs pistes sont ouvertes. Comme nous l'avons vu dans une chronique précédente, les temps changent avec une vitesse appropriée à la génération zapping. Mais la formation affective va au-delà en reprenant l'interactivité. S'il n'y a pas de SMS surtaxés, ou d'appel à un ami, en formation on voit déjà apparaître des boîtiers de votes en temps réel pour savoir à tout moment où en est l'attention des stagiaires. Au final on peut connaître minute par minute l'audience, le buzz autour du contenu. C'est d'ailleurs un regard nouveau sur l'efficacité de l'acte de formation.
L'acte de formation devient plus impliquant pour construire « des formations qui nous ressemblent ». Cela favorise l'identification affective. Les formations parlent de notre quotidien. 80, 90,100 % du temps formatif est alloué à la pratique en rejetant la théorie sans doute trop rationalisante. Outre la dimension marketing évidente, l'acte de formation de pairs à pairs s'impose comme un outil relativement efficace. Mais l'implication va plus loin. Comme dans la télé réalité, les formations se structurent sous forme de rallyes avec des épreuves collaboratives ou compétitives qui tiennent en haleine les participants eux-mêmes. Certaines formations proposent même des cadeaux comme objets affectifs qui rappelleront aux stagiaires l'émotion de l'instant formatif. Des supports de formation comme « doudous » affectifs...
Enfin on ne reviendra pas sur la notion de spectacle qu'on a largement développée dans d'autres chroniques mais la formation devient pédagogiquement de plus en plus spectaculaire avec, comme dans la télé, une course au toujours plus. Si le cooker manager assure une bonne cohésion d'équipe, on rentre déjà dans du classique. Il en faut plus. Former des vendeurs avec l'improvisation pour développer l'instinct de la vente n'est pas suffisant, il faut rajouter un travail vocal pour ceux qui utilisent le téléphone, du relooking pour créer un bon premier contact,... toujours plus. L'animateur de la formation devient le monsieur Loyal de tous ces spectacles pour atteindre l'objectif pédagogique pré défini.
Et ça marche ! Bien des années après les stagiaires en parlent encore : de la forme mais aussi du fond. Le formateur devient celui qui donne la vie à ces instants, il anime, au sens étymologique. La formation fait son show et l'émotion devient un outil de sa réussite... encore faut-il y être formé !
A propos de l'auteur :
Stéphane Diebold
est un spécialiste de la formation et du management, avec 15 ans d'expériences dans la direction de la formation initiale (écoles supérieures de commerce) et la formation continue (Midas France, Groupe Galerie Lafayette). Il a mis son expérience au service de l'innovation pédagogique et de la performance en entreprise, en France et à l'étranger, au sein de l'Institut Avicenne dont il est le fondateur.

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