- La réponse est assez naturellement oui. En faisant suite à la grande lignée des Descartes, Rousseau et Condorcet, Kant nous propose la formation pour que chacun puisse développer sa propre autonomie et sortir de sa « minorité », dépendance à l’égard de ses pères pour construire son propre chemin. La formation professionnelle s’inscrit dans le mouvement de l’éducation populaire pour assurer la promotion sociale de tous.
Le problème aujourd’hui est que l’ascenseur social est en panne et que l’autonomie, résultat de la formation, est difficile à percevoir. Légitimement on peut s’interroger sur le sens éthique de la formation - Les courants marxiens vont même plus loin puisqu’ils disent que la formation ne sert qu’à aliéner encore davantage les salariés. Comment s’y retrouver ? Heureusement qu’il existe de nouvelles perspectives comme extension aux courants marxiens de l’école de Francfort, on pourrait citer Jünger Habermas et sa fameuse éthique de la discussion. L’échange, l’argumentation sont le cœur d’un apprentissage nouveau, d’un apprentissage vrai qui renoue avec l’éthique kantienne. Cette posture est particulièrement intéressante compte tenu de l’histoire et du référentiel de la formation professionnelle. - Mais il existe encore moult visions : Jonas nous parle d’une éthique de la responsabilité qui s’applique particulièrement bien à la formation professionnelle en l’inscrivant dans une démarche inter générationnelle qui permet de préparer l’avenir, l’impérieuse nécessité de préparer demain. Et on pourrait trouver encore bien d’autres auteurs. Emmanuel Lévinas apporte une vision éclairante, comme le souligne Philippe Mérieux sur son blog, avec de nouvelles postures comme l’épiphanie du visage qui permettent de sortir de ces formations impersonnelles. Pour construire une relation d’homme à homme qui permet à chacun de dépasser sa finitude. La formation dans la rencontre devient le lieu de l’éthique comme philosophie première.
Et que dire de Frans de Waal qui propose les bases naturelles de la morale qui nous ouvre une perspective étiologique de l’éthique et donc une ouverture complètement nouvelle de la relation éthique au savoir. - Autant dire que les raisons de parler d’éthique de la formation ne manquent pas mais pour éviter ce que Guy Deborde appelle le spectacle de la formation ou Jean Baudrillard le simulacre de la formation, il est important de choisir une définition de l’homme pour construire ses fondamentaux qui serviront de base à la formation et à son éthique. Nous sommes rentrés dans une période nouvelle qui offre des perspectives abondantes à condition que la formation ne se perde pas, qu’elle retrouve une démarche ontologique. Afin que la formation redevienne stratégique, éthique dans le parcours de chacun et qu’elle permette de reconstruire des entreprises où chacun devienne acteur de son propre développement et, dans une démarche d’intelligence collective organisée, assure une relation au savoir nouvelle et puissante au sens de Frederick Nietzche.
La formation professionnelle qui s’interroge sur son éthique, qui construit l’éthique de demain permettra de reconstruire du sens et ainsi reprendre la place qu’elle a connue historiquement. L’entreprise peut et doit devenir ce lieu d’émergence de la société du savoir de demain. Stéphane Diebold


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