Changer de métier : opportunité ou épreuve ? Les entreprises sont-elles prêtes à accepter des personnes issues d’un horizon professionnel différent ? La table ronde « Perceptions : quels regards les salariés et les employeurs portent-ils sur la reconversion professionnelle ? » a été l’occasion de revenir sur cette thématique sensible. La reconversion reste à la fois un rêve (« changer de vie ») et génère des craintes (peur du déclassement).

Julien Goarant, directeur d’études à Opinion Way, a ouvert la séance en présentant une enquête COE/Opinion Way portant sur le regard des employeurs sur les reconversions professionnelles : 62 % des chefs d’entreprises et/ou DRH interrogés ont déjà recruté des candidats en reconversion. 64 % souligne la motivation forte de ces candidats, 55 % pensent que ces personnes apportent de la diversité au sein de l’équipe, 52 % insistent sur leur regard neuf sur le métier. Malgré ces avis positifs, des freins persistent, le premier étant l’âge : se reconvertir après 50 ans est plus risqué, selon 56 % des sondés.

La reconversion forcée vouée à l’échec

Les chances de réussite d’une reconversion dépendent étroitement de l’état d’esprit de la personne au moment des faits. Ainsi, les reconversions qui interviennent en réaction à un licenciement sont plus fragiles (48 % estiment qu’elles ont été un échec), que celles effectuées dans le cadre d’un départ volontaire (82% estiment qu’elles ont réussi).

« Ces chiffres correspondent bien à ce que nous vivons au quotidien, même si la réalité n’est pas toujours positive » analyse Jean-Christophe Sciberras, président de l’ANDRH, qui pointe du doigt un système français « imprégné par le paradigme du CDI » qui rend « la reconversion très difficile ». Il ajoute que le contexte actuel ne pousse pas les gens en poste, notamment les plus jeunes qui bénéficient d’un CDI après avoir connu le chômage, à lâcher la proie pour l’ombre : « Autant sauter dans l’espace sans combinaison ! » prévient-il.

Un contexte économique morose propice à la frilosité que relève également Jean Pralong, psychologue et titulaire de la chaire « Nouvelles carrières » à Rouen Business School : « Tout le monde est pour la reconversion, mais peu y pensent pour eux-mêmes. Dans l’esprit des gens, la reconversion est une forme de déclassement ». Même si la mobilité professionnelle des cadres n’est pas du même acabit que les reconversions des salariés peu diplômés exerçant des métiers en voie de disparition (sidérurgie…), Pralong est convaincu que « le parcours traditionnel d’il y a 20 ou 30 ans où l’on évoluait en interne, qui devient marginal aujourd’hui, reste dans l’esprit de beaucoup le parcours d’élite normatif des gens « biens ».

Changer de métier implique de travailler sur soi

Dans un environnement peu favorable car chargé de représentations mentales négatives, « changer de métier revient à faire un travail sur soi » renchérit la sociologue Catherine Négroni, qui explique avoir rencontré dans le cadre de ses recherches ceux qu’elle appelle des « reconvertis héroïques », venus à bout d’« un chemin particulièrement difficile ». Que faire, dans ce cas, pour accompagner la mobilité professionnelle ? « Réduire le risque pour réduire la peur est un bon début » conseille le psychologue Jean Pralong. Ce dernier préconise la création d’un outil d’accompagnement public sur le long terme qui, à la différence  du bilan de compétence (« trop souvent utilisé pour éteindre l’incendie quand il est là »), serait bâti sur le modèle du coaching et permettrait de vivre sereinement les périodes de transitions professionnelles.

Christina Gierse

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