Les drogues sont là. On peut très bien accroître sa capacité d'attention, de concentration, la durée de mémorisation, le niveau de stress… Autant de déterminants de l’apprentissage. Les psychostimulants : méthylphéniades, amphétamines, modafinil, métabloquants (contre le trac) sont les outils de base de ces drogues. La science-fiction nous ouvre des perspectives… dans Matrix, Neo, anagramme de (The) one, l’élu, se télécharge les connaissances dont il a besoin à la vitesse de la bande passante, en direct avec le cerveau. Le surhomme est à notre porte et la pression sociale est de plus en plus forte, il faut en connaître de plus en plus… Que faut-il en penser ?

Apprendre et agir

Premièrement, qu'il est quelque peu étrange de vouloir absolument accroître la puissance de l'homme, apprendre plus, en moins de temps. L'homme augmenté, ou homme drogué, fonctionnaliserait sa capacité à apprendre, optimiser une capacité. L’homme deviendrait un robot apprenant. Il apprendrait instinctivement, un animal apprenant. Mais où est l'intelligence dans tout cela ? À quoi cela sert-il d'apprendre autant ? Surtout quand on voit la capacité des mémoires numériques, à quoi sert la mémoire stock ? Jorge Borges, dans Funès ou la mémoire, montre l’absurdité de la démarche. Funès a une capacité de mémoire extraordinaire : il retient toutes les informations, il n’oublie rien, la mémoire absolue… Le problème c’est que c’est là tout son malheur. Il retient mais n’agit point. Sa capacité de stockage se traduit par une incapacité à agir. Il ne peut plus traiter la somme des connaissances qui habitent son cerveau. Nos anciens le disaient, il vaut mieux une tête moins pleine, mais bien faite. A moins de créer une pilule de l’action…

Une question de projet

Deuxièmement, la fracture médicamenteuse est là. Qui peut prendre la pilule à apprendre ? S'agira-t-il d'un bien public qui sera diffusé à tout un chacun pour permettre une certaine homogénéisation de la diffusion du savoir ou une possibilité offerte à une élite pour qu'elle puisse encore davantage accroître son avance ? Qu'en pense l'industrie pharmacologique qui attend sans doute un retour sur investissement pour ces années de recherche ? C’est une partie de la problématique du film Limitless… Dans le même ordre d'idées, l’addiction n’est pas neutre. Bradley Cooper, le héros de Limitless, en sait quelque chose...

Alors qu’en penser ? C’est qu’apprendre n’a que peu d'intérêt en soi, il ne s’agit pas d’un exercice de style, apprendre pour apprendre, mais d’intégrer cette capacité dans le cadre d'un projet individuel ou collectif qui donne du sens à son usage. La pilule à apprendre est une façon détournée de faire passer la pilule de l'absence de projet… Et à se focaliser sur le comment, on éviter la question du pourquoi. C’est tout l’enjeu de la définition que l’on a de l’homme… Et là, la pilule n’est que de peu d’utilité.

A propos de l’auteur :

Stéphane Diébold a mis son expérience au service de l’innovation pédagogique et de la performance en entreprise, au sein de TEMNA (www.temna.fr) dont il est le fondateur depuis 2003. Associatif, il a assumé des responsabilités dans une dizaine d’association, essentiellement formatives, aujourd’hui Vice-président du GARF (Groupement des acteurs et responsables formation) et de l’ETDF (European traning and development federation – Fédération européenne pour la formation et le développement.

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