La VAE progresse doucement mais sûrement...

Share |

Mise en place par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, la Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) a permis à 77 000 candidats d'obtenir une certification complète. Des résultats disparates en fonction des ministères. Entretien avec Brigitte Bouquet, directrice de projet pour le développement interministériel de la VAE, qui nous retrace les tenants et aboutissants du dispositif. Selon quelles modalités la VAE est-elle appliquée dans l'entreprise ? Les actions de VAE peuvent être organisées dans le cadre du plan de formation de l'entreprise, avec consentement du salarié, ou d'un congé pour validation des acquis de l'expérience. Lorsque l'entreprise décide de les inscrire dans son plan de formation, un accord doit être signé entre le salarié, l'entreprise et l'organisme retenu. Il doit préciser le diplôme, titre ou certificat visé, la période de réalisation et la prise en charge des frais inhérents à la mise en place de la VAE. Son financement peut être assuré sur le budget formation correspondant ou par l'OPCA dont l'entreprise relève.
Le congé de validation des acquis de l'expérience est destiné, après la recevabilité administrative à la préparation de la validation et au passage des épreuves. Il est accordé à la demande du salarié avec autorisation de l'employeur. La réponse de ce dernier doit être écrite sous 30 jours après réception de la demande. Comme l'accord, la demande doit spécifier le titre, diplôme ou certificat convoité, le nom de l'organisme retenu et les dates des actions de VAE.
Le salarié ne pourra pas demander un nouveau congé VAE au sein de la même entreprise avant un an. Quand les entreprises ont-elles le plus souvent recours à la VAE ? Les entreprises qui s'inscrivent dans une dynamique de développement, notamment pour la mise en œuvre d'une GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) peuvent avoir recours à la VAE pour qualifier leurs salariés. De plus, certaines conventions collectives ou l'évolution de la réglementation peuvent se traduire par un diplôme pour accéder à un poste précis. Pour pouvoir prétendre à la VAE, elles peuvent mettre en place des formations complémentaires utiles à leurs salariés. La VAE peut être également utilisée par les entreprises qui entrent dans une phase de restructuration. Elles peuvent mettre alors en place des VAE collectives pour aider leurs salariés à acquérir une qualification reconnue et donc à retrouver un travail plus facilement, y compris au sein de l'entreprise sur de nouveaux postes. Dans ce cas, il est possible de mettre en place ces actions dans le cadre du service public de l'emploi.
La VAE représente en effet un bon moyen d'organiser également la mobilité en interne et d'éviter des pertes d'emploi. La plupart du temps, elle concerne les salariés, pas ou peu qualifiés, ou dont la qualification a évolué au cours des décennies. Souvent, les certificats d'origine ne correspondent pas à l'évolution du métier ou de la personne. Quels sont les avantages de la VAE pour l'entreprise ? La VAE est moins onéreuse que si le salarié devait suivre une formation totale pour accéder au titre, certificat ou diplôme souhaité. Seuls, l'accompagnement du salarié et le passage devant le jury donnent lieu à contribution. Par exemple, au ministère de l'Emploi, l'accès à la VAE peut ne coûter qu'un tiers du prix de la formation totale pour accéder à la même certification.
Par ailleurs, le congé de 48 heures, qui peut être fractionné présente des souplesses, et peut être négocié avec l'entreprise. Le salarié devra par contre consacrer du temps au rassemblement des preuves administratives et à la reconstitution de son parcours professionnel, généralement en dehors de son temps de travail. Le but est qu'il remplisse les différents items pour la certification recherchée.
Avoir des salariés qui ont pu monter en qualification permet également à l'entreprise d'obtenir des marchés. J'ai vu le cas d'une filiale dont la maison mère était aux Etats-Unis, qui grâce à une action collective de VAE a pu prouver le niveau de qualité et de motivation de ses salariés, et ainsi obtenir les investissements destinés à l'Europe.
De plus, pour effectuer certains travaux, comme par exemple dans le secteur de l'aéronautique, il faut absolument des qualifications reconnues. Comment s'effectue l'accompagnement ? Quand une entreprise est de taille importante, elle peut disposer d'un référent VAE propre, chargé de suivre les collaborateurs et de les aider dans leur démarche. Dans le Nord-Pas-de-Calais par exemple, l'État et la Région ont signé un accord pour que les entreprises aient un point d'entrée unique pour l'ensemble des certificateurs. L'accompagnement peut être également externalisé. L'accompagnateur doit parfaitement connaître les certifications qui sont recherchées, et certaines formes d'actions collectives d'accompagnement existent.
Cependant, il doit s'établir un dialogue unique avec le salarié car toute demande est singulière puisque liée à un parcours particulier. Le salarié ne doit pas présenter un dossier standardisé au jury. Même lorsqu'il s'agit d'une demande de VAE collective, ciblée sur une catégorie de salariés, les dossiers sont individualisés. Elle n'est collective qu'au niveau de son traitement, de la négociation des tarifs jusqu'à la réunion des jurys. À l'heure actuelle, nous travaillons sur l'homogénéité en matière d'accompagnement. Nous élaborons un document afin d'améliorer sa qualité. Ce document, qui peut être utilisé dans des cahiers des charges par les financeurs a vocation à aller plus loin que la charte de l'accompagnement des certificateurs publics, mise en place il y a un an. Comment expliquez-vous le fait que, finalement, la VAE n'ait pas eu les résultats escomptés ? Il est vrai que le taux de croissance fixé par le gouvernement n'a pas été atteint. Tout d'abord, l'objectif était politiquement ambitieux.
Par ailleurs, des certifications ont été récemment mises en place pour le secteur sanitaire et social. Or, du fait de la mise en place de la nouvelle organisation, les processus de VAE se sont arrêtés pendant plus de 6 mois. Les convocations des jurys ont été retardées.
Il est très difficile de trouver des professionnels motivés pour composer les jurys. Même si la certification ne peut durer que quelques heures, ils doivent étudier les dossiers en amont. Leur mission et par conséquent leur investissement en temps dépendent par ailleurs du certificateur auquel ils sont rattachés. Par exemple, au ministère de l'Emploi, nous demandons une mise en situation pour évaluer les candidats. De plus, la charge de travail, qui varie en fonction du nombre de candidats, n'est pas la même selon les régions.
De manière générale, la VAE se porte bien. Même si son taux de croissance n'a été que de 16% entre 2005 et 2006, contre 25% les années précédentes, elle continue d'augmenter. Il faut noter également que selon l'enquête de la DARES du mois d'avril 2008, les dépenses de formation professionnelle, rapportées à leur masse salariale, ont baissé depuis la fin des années quatre-vingt dix.
Le dispositif fonctionne donc et les mécanismes sont en train de se mettre en place : il y a une organisation des tâches entre les conseils régionaux, l'État et les OPCA. En région Midi-Pyrénées, un accord a été signé entre le Conseil régional, l'État, l'ANPE et les OPCA pour promouvoir la VAE. Il tend notamment à faciliter l'accès à la VAE pour les demandeurs d'emploi.
Nous voulons essayer de travailler sur des thématiques. Par exemple, nous menons des actions sur les métiers du commerce. N'oublions pas que le principal objectif de la VAE, stipulé dans la loi, est de donner une qualification à des personnes qui n'en ont pas.
Une étude réalisée par un OPCA montre qu'une fois qu'une personne a mis le pied dans la formation continue, cette dernière est prête à continuer car elle a perdu tous ses complexes par rapport à son manque de qualification. Grâce à la VAE, elle ambitionne d'aller plus loin. Quel est selon vous le devenir de la VAE ? La VAE va se répandre en partant des besoins locaux et régionaux. Nous travaillons à l'heure actuelle sur l'organisation régionale des certificateurs, décrite dans une instruction régionale du 4 octobre 2007, qui précise les différentes possibilités d'organisation avec les conseils régionaux et surtout les objectifs à arrêter en commun entre les certificateurs publics pour améliorer l'accès au dispositif. L'objectif est la création d'un comité, animé par le préfet et qui regroupe les certificateurs publics, privés s'ils le souhaitent. Les trois axes d'intervention sont : veiller à la mise en œuvre de la charte d'accompagnement de la VAE, mettre à la disposition des entreprises une information actualisée sur l'offre de certification et mutualiser les bonnes pratiques notamment en matière de coopération des jurys et de suivi des candidats en cas de validation partielle.
En effet, sur ce dernier point, les certificateurs ne savent pas toujours quelles formations complémentaires proposer aux salariés qui n'ont obtenu qu'une VAE partielle. Près de 70% des personnes acquièrent une certification totale. Nous sommes en train de mettre en place une cartographie de l'ensemble des offres de formations régionales et nationales.
Une enquête de la DGEFP montre que 16 régions possèdent déjà une instance de pilotage de la VAE et que 14 régions au moins auront mis en place un comité régional des certificateurs publics mi 2008.
Nous voulons également mieux former les membres des jurys qui ont quelquefois tendance à se baser sur le contenu de la formation pour acquérir le diplôme ou le titre et non pas sur les résultats attendus, décrits par les référentiels de certification professionnelle. La mise en situation permet souvent de l'évaluer différemment, d'autant qu'elle enlève les inhibitions des candidats qui possèdent mal l'écrit.
La VAE a de l'avenir car elle constitue un des éléments de sécurisation des parcours professionnels. Propos recueillis par Christel Lambolez


Lire aussi les autres articles publiés sur le sujet sur FormaGuide : - La VAE pour reconnaître le parcours syndical - Une démarche VAE couronnée de succès pour Elior - Accompagner un salarié dans sa démarche de VAE - Le club Med mise sur la VAE collective pour ses postes d’encadrement - VAE : un bilan en demi-teinte, six ans après son instauration

à lire également

Dans la même rubrique

RECHERCHER UNE FORMATION

AEC logo


Recherche guidée thématique

Recherche par thème :