Le DIF : état des lieux
Issu de la réforme de la formation professionnelle de 2004, le DIF devait permettre aux salariés de bénéficier d'une certaine sécurisation de leur parcours professionnel et aux employeurs d'anticiper sur les compétences de demain. Malgré de belles promesses, le DIF n'a peut-être pas rempli tous les espoirs escomptés.
Quatre ans après sa création, le Droit individuel à la formation (DIF) continue de susciter nombre d'interrogations. Est-ce un droit ? Quelle est sa finalité ? Comment le financer ? Autant de questions, a priori simples, qui ne font pas encore consensus. Pour preuve, la dernière table ronde du 20 mars 2008 organisée par le groupe de formation Demos et intitulée : "Quelle réforme du DIF ?". Les différents partenaires sociaux y ont présenté leur conception quant à l'utilisation et à la finalité du procédé. Véritable droit pour les uns, simple dispositif pour les autres, certaines entreprises attendent plus de clarté pour s'y engager. Ce que rappelle volontiers Michel Fortin, délégué fédéral FO : « La notion de DIF s'approprie différemment pour une PME et un grand groupe. Si un certain nombre de DRH s'est familiarisé avec la notion, il y a encore un effort pédagogique à mener, notamment auprès des représentants du personnel. »
Mesure phare de la réforme de la formation professionnelle de 2004 (issue de l'Accord national interprofessionnel (ANI) signé en décembre 2003 par les partenaires sociaux et repris par la loi du 5 mai 2004), le DIF doit donc encore convaincre. Et, en premier lieu, sur sa valeur ajoutée par rapport aux instruments déjà en place.
Mode d'emploi
Concrètement, tout salarié en CDI ou ayant effectué un CDD d'au moins quatre mois dans les douze derniers mois peut bénéficier du DIF. Le salarié à temps plein cumule 20 heures de formation minimum par an et ne peut cumuler plus de 120 heures.
Contrairement aux idées reçues qui peuvent encore avoir court, le DIF est certes un droit, mais celui-ci n'est pas opposable à l'employeur. Il s'agit d'un simple droit d'initiative de la part du salarié. Libre à lui, donc, d'opérer sa demande auprès de son employeur. En ce sens, ce droit ne relevant pas de l'obligation, le salarié peut également refuser de l'exercer.
De son côté, l'employeur peut tout à fait rejeter la demande ou le choix de formation du salarié. Il dispose d'un délai d'un mois pour manifester son opposition. Au-delà, la requête est considérée comme acceptée. Face à un refus, le salarié ne peut que réitérer sa demande. Après deux refus, il peut la déposer dans le cadre d'un Congé individuel de formation (CIF).
Sur le choix de la formation, un accord collectif d'entreprise, de branche ou interprofessionnel peut définir des actions de formations prioritaires. En l'absence d'un tel accord, le salarié peut bénéficier de toutes les formations destinées à acquérir, entretenir ou perfectionner ses connaissances.
Enfin, sauf disposition conventionnelle contraire, la formation se déroule hors temps de travail et, dans tous les cas, aux frais de l'employeur.
Dangers et faiblesses du DIF a priori
Face à cette présentation "brute" du dispositif, d'aucuns ont pu émettre de nombreuses craintes. Et ce, depuis le lancement du DIF jusqu'à aujourd'hui. Ainsi, lors du "Panorama de la formation professionnelle" organisé par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) le 25 mars 2008, une voix a pu s'élever du public et demander : « Un salarié envoyé en formation par le biais du DIF a-t-il un droit à augmentation ? »
D'autre part, la question qui demeure d'actualité pour les sociétés novices en termes de DIF, est celle de l'organisation. Lors de cette même matinée d'information sur la formation professionnelle, Eric Depaye, DRH de Moët-Hennesy Diageo, a ainsi pu légitimement s'interroger : « Comment gérer une situation où 10 salariés demandent en même temps à réaliser une formation de 80 heures ? »
L'autre difficulté à laquelle les employeurs ont pu craindre de ne pouvoir faire face est celle de la conciliation entre les attentes de formation des salariés et les besoins de l'entreprise. Car le risque de créer des frustrations est bien présent.
Certains ont également pu penser que les salariés mettant en œuvre leur DIF en profiteraient pour mettre à contribution les compétences développées pour aller se vendre auprès d'un autre employeur.
Les salariés, quant à eux, pouvaient regretter qu'en changeant d'employeur, ils perdaient par la même occasion les heures de formation accumulées et non utilisées.
Une généralisation du DIF
Aujourd'hui, qu'en est-il réellement ? Les entreprises et les salariés se sont-ils appropriés le DIF ? Les craintes émises se sont-elles vérifiées ? A la lumière de l'"Enquête DIF - Demos, Entreprises - Salariés", rendue publique le 20 mars 2008 lors des Trophées du DIF, la réponse se veut nuancée.
Ainsi, le document s'ouvre sur un constat : « Le DIF est un dispositif qui se généralise en se diversifiant et produit ses premiers effets (...) ».
Tout d'abord, sur la généralisation du DIF, 89 % des salariés le connaissent, dont plus de la moitié (55 %) par le biais de leur entreprise. Ils sont 20 % à l'avoir déjà utilisé et, également, 20 % à capitaliser volontairement pour un usage futur. L'information est aussi bien passée quant aux modalités de mise en œuvre, puisque 70 % des salariés interrogés les connaissent. D'autre part, les salariés choisissent d'utiliser leur DIF pour des formations en langues (45,80 %), du développement personnel (22,70 %) et des domaines techniques liés au métier exercé (19 %). Le but principal étant de renforcer leur expertise métier (45,90 %), obtenir un diplôme et préparer leur évolution professionnelle (26,90 %) et développer leur culture personnelle (22,40 %). Côté entreprises, 90 % ont une procédure de demande de DIF et 65 % ont inclus le DIF dans l'entretien professionnel annuel.
Des craintes financières
Face à cette appropriation du DIF par les entreprises et les salariés, l'enquête de Demos rappelle que le DIF « doit encore se structurer et qu'il] soulève des inquiétudes financières. »
Ainsi, l'étude relève que 90 % des entreprises gèrent le DIF « au fil de l'eau » et que 40 % « n'ont aucune priorité ou orientation » en la matière. Et surtout, dans une majorité d'entreprises (66,70 %), le DIF n'a eu aucun impact sur le taux d'accès à la formation des salariés. Et ce, sans doute pour des raisons financières.
En effet, 75 % des entreprises interrogées dans l'enquête Demos affirment disposer d'un budget formation unique. Ce qui est dédié au DIF représente donc un investissement en moins pour les autres dispositifs. A ce sujet, Michèle Boumendil, directrice du cabinet Boumendil consultant, souligne : « De nombreux rapports sur la formation professionnelle présentent le DIF comme un dispositif qui va cannibaliser les autres. »
Par ailleurs, si 57,60 % des entreprises interrogées révèlent qu'elles n'ont jamais essuyé de refus de financement du DIF par leur OPCA, les auteurs de l'enquête estiment que ces refus sont en hausse. Sans doute une des raisons pour lesquelles plus d'un tiers des entreprises (37,30 %) ne prévoit pas un développement du DIF en 2008. Les auteurs du rapport concluent ainsi que le DIF « impose aux entreprises de résoudre l'équation financière de son développement ».
Supprimer l'obligation légale ?
Aborder la question du financement du DIF impose de s'interroger sur la question plus large de la réforme de la formation professionnelle. A ce sujet, le rapport Carle (juillet 2007) -du nom du sénateur de Haute-Savoie et président de la mission d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle- émet plusieurs propositions. Parmi celles-ci, la remise en cause de l'obligation légale de financement du plan de formation (0,9 % de la masse salariale pour les entreprises de plus de 10 salariés et 0,4 % pour les entreprises de moins de 10 salariés).
Selon les auteurs du rapport, les motivations initiales de cette obligation n'ont plus court. Le principe « former ou payer » aboutirait à un résultat peu satisfaisant : soit les entreprises décident de ne pas, ou peu, former et elles payent cette obligation légale, soit elles forment et dépensent bien au-delà du seuil des 0,9 %, sans contrepartie fiscale ou sociale. Les auteurs appuient : « Il s'agit donc d'un système déresponsabilisant en deçà de l'obligation légale, et non mobilisateur au-delà. »
Complétant cet argument, Jean-Pierre Willems, consultant RH, confiait dans un entretien accordé à Entreprises et carrière (n°878) que « les effets positifs de l'obligation fiscale ont déjà été produits : les Opca sont constitués, les habitudes de financement sont prises. L'effet de levier de l'obligation est aujourd'hui essoufflé. »
Enfin, les partenaires sociaux eux-mêmes, dans l'ANI de 2003, revendiquaient « une plus grande autonomie (...) dans la définition des objectifs de la formation professionnelle et dans l'affectation des moyens qui leur sont consacrés. »
Une obligation conventionnelle
Dès lors, par quoi remplacer cette obligation légale ? Les plus pessimistes -ou les plus prudents- s'interrogent : « La fin de l'obligation légale de financement du plan de formation représente-t-elle la fin de l'obligation de former ? » Pas exactement. Le rapport Carle envisage plusieurs hypothèses. L'une consiste à mettre en place un système de prélèvements et de subventions. Les entreprises bénéficieraient ainsi de « primes à la formation » proportionnelles aux dépenses engagées. Si ce système permet la responsabilisation et l'incitation des entreprises, il est, en revanche, jugé difficilement applicable.
Une autre hypothèse consiste à « laisser décider les partenaires sociaux conformément à leurs vœux », révèle le rapport. Ces derniers pourraient alors souhaiter maintenir une obligation dite conventionnelle. Une solution qui permettrait « d'alléger le travail administratif des services de formation des entreprises », explique Jean-Pierre Willems. Et de rajouter : « Centrer leur intervention sur la finalité de la formation] serait quand même préférable. »
Seulement, une telle option présente également des risques. Le premier est mentionné dans le rapport Carle : « une fixation de certains taux conventionnels à un niveau trop bas (...) qui] ne permette plus d'accomplir l'effort de formation effectivement nécessaire pour entretenir l'employabilité des salariés ». Le second est qu'« une cotisation conventionnelle ouvre aussi la porte à une cotisation salariale, note le consultant RH. Cela pourrait s'inscrire dans la mise en place d'un compteur personnel pour le financement du DIF. »
Un compte épargne formation
Cet argument avancé par Jean-Pierre Willems a également été envisagé par le rapport sénatorial qui parle de « compte épargne formation individualisé et attaché à la personne tout au long de son existence professionnelle ». En revanche, le rapport ne mentionne pas le financement éventuel par le salarié. Dans ce contexte, l'employeur conserverait une obligation légale à l'égard de chacun des salariés. « Chaque année, les montants consacrés par l'employeur à chaque salarié pour sa formation s'imputeraient sur son obligation légale et le reliquat serait reversé sur un compte d'épargne formation appartenant au salarié », précise le document.
Un compte sur lequel l'employeur garderait la main pour financer les actions de formation du plan, mais que le salarié conserverait avec un crédit de formation en cas de licenciement. Dans cette hypothèse, les abondements pourraient se faire également par le service public de l'emploi : « un facteur incitatif pour un nouvel employeur qui trouverait attaché au salarié recruté les moyens de sa formation », relèvent les auteurs.
Un DIF transférable
Enfin, le rapport a également envisagé une variante de la solution précédente, à savoir « la mise en place d'une obligation de formation à l'égard de chacun des salariés au travers d'un DIF transférable via un compte d'épargne formation individualisé, par la suppression de l'obligation légale pour le plan de formation ». Les auteurs vantent cette option comme « une solution satisfaisante », car basée sur l'instrument, selon eux, le plus abouti de la formation professionnelle : le DIF. Un choix qui, du fait du rattachement de la formation à la personne et non plus au statut, va dans le sens d'une sécurisation accrue des parcours professionnels.
Seulement, un détail de taille reste à régler. Si l'ANI de janvier 2008 a bien repris le concept de transférabilité du DIF, le projet de loi transposant celui-ci et présentée devant le conseil des ministres le 26 mars 2008 ne l'a pas retenu. Un concept mort dans l'œuf en quelques sortes. En attendant les prochaines négociations.
Brice Ancelin
Credits photo © endostock
Lire aussi les autres articles publiés sur le sujet sur FormaGuide : - Le DIF, comment s’en sortir ? Par Didier Cozin - Dif : les lignes bougent - Dif et période de professionnalisation : les chouchous des PME... - Nouvelles frontières : utiliser le Dif pour favoriser la mobilité - [Sodexo et les Trophées du Dif : et de deux ! - [Monter un catalogue spécial Dif dans son entreprise, mode d'emploi - [La mairie de Cannes déroule le tapis rouge au Dif
Quatre ans après sa création, le Droit individuel à la formation (DIF) continue de susciter nombre d'interrogations. Est-ce un droit ? Quelle est sa finalité ? Comment le financer ? Autant de questions, a priori simples, qui ne font pas encore consensus. Pour preuve, la dernière table ronde du 20 mars 2008 organisée par le groupe de formation Demos et intitulée : "Quelle réforme du DIF ?". Les différents partenaires sociaux y ont présenté leur conception quant à l'utilisation et à la finalité du procédé. Véritable droit pour les uns, simple dispositif pour les autres, certaines entreprises attendent plus de clarté pour s'y engager. Ce que rappelle volontiers Michel Fortin, délégué fédéral FO : « La notion de DIF s'approprie différemment pour une PME et un grand groupe. Si un certain nombre de DRH s'est familiarisé avec la notion, il y a encore un effort pédagogique à mener, notamment auprès des représentants du personnel. »
Mesure phare de la réforme de la formation professionnelle de 2004 (issue de l'Accord national interprofessionnel (ANI) signé en décembre 2003 par les partenaires sociaux et repris par la loi du 5 mai 2004), le DIF doit donc encore convaincre. Et, en premier lieu, sur sa valeur ajoutée par rapport aux instruments déjà en place.
Mode d'emploi
Concrètement, tout salarié en CDI ou ayant effectué un CDD d'au moins quatre mois dans les douze derniers mois peut bénéficier du DIF. Le salarié à temps plein cumule 20 heures de formation minimum par an et ne peut cumuler plus de 120 heures.
Contrairement aux idées reçues qui peuvent encore avoir court, le DIF est certes un droit, mais celui-ci n'est pas opposable à l'employeur. Il s'agit d'un simple droit d'initiative de la part du salarié. Libre à lui, donc, d'opérer sa demande auprès de son employeur. En ce sens, ce droit ne relevant pas de l'obligation, le salarié peut également refuser de l'exercer.
De son côté, l'employeur peut tout à fait rejeter la demande ou le choix de formation du salarié. Il dispose d'un délai d'un mois pour manifester son opposition. Au-delà, la requête est considérée comme acceptée. Face à un refus, le salarié ne peut que réitérer sa demande. Après deux refus, il peut la déposer dans le cadre d'un Congé individuel de formation (CIF).
Sur le choix de la formation, un accord collectif d'entreprise, de branche ou interprofessionnel peut définir des actions de formations prioritaires. En l'absence d'un tel accord, le salarié peut bénéficier de toutes les formations destinées à acquérir, entretenir ou perfectionner ses connaissances.
Enfin, sauf disposition conventionnelle contraire, la formation se déroule hors temps de travail et, dans tous les cas, aux frais de l'employeur.
Dangers et faiblesses du DIF a priori
Face à cette présentation "brute" du dispositif, d'aucuns ont pu émettre de nombreuses craintes. Et ce, depuis le lancement du DIF jusqu'à aujourd'hui. Ainsi, lors du "Panorama de la formation professionnelle" organisé par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) le 25 mars 2008, une voix a pu s'élever du public et demander : « Un salarié envoyé en formation par le biais du DIF a-t-il un droit à augmentation ? »
D'autre part, la question qui demeure d'actualité pour les sociétés novices en termes de DIF, est celle de l'organisation. Lors de cette même matinée d'information sur la formation professionnelle, Eric Depaye, DRH de Moët-Hennesy Diageo, a ainsi pu légitimement s'interroger : « Comment gérer une situation où 10 salariés demandent en même temps à réaliser une formation de 80 heures ? »
L'autre difficulté à laquelle les employeurs ont pu craindre de ne pouvoir faire face est celle de la conciliation entre les attentes de formation des salariés et les besoins de l'entreprise. Car le risque de créer des frustrations est bien présent.
Certains ont également pu penser que les salariés mettant en œuvre leur DIF en profiteraient pour mettre à contribution les compétences développées pour aller se vendre auprès d'un autre employeur.
Les salariés, quant à eux, pouvaient regretter qu'en changeant d'employeur, ils perdaient par la même occasion les heures de formation accumulées et non utilisées.
Une généralisation du DIF
Aujourd'hui, qu'en est-il réellement ? Les entreprises et les salariés se sont-ils appropriés le DIF ? Les craintes émises se sont-elles vérifiées ? A la lumière de l'"Enquête DIF - Demos, Entreprises - Salariés", rendue publique le 20 mars 2008 lors des Trophées du DIF, la réponse se veut nuancée.
Ainsi, le document s'ouvre sur un constat : « Le DIF est un dispositif qui se généralise en se diversifiant et produit ses premiers effets (...) ».
Tout d'abord, sur la généralisation du DIF, 89 % des salariés le connaissent, dont plus de la moitié (55 %) par le biais de leur entreprise. Ils sont 20 % à l'avoir déjà utilisé et, également, 20 % à capitaliser volontairement pour un usage futur. L'information est aussi bien passée quant aux modalités de mise en œuvre, puisque 70 % des salariés interrogés les connaissent. D'autre part, les salariés choisissent d'utiliser leur DIF pour des formations en langues (45,80 %), du développement personnel (22,70 %) et des domaines techniques liés au métier exercé (19 %). Le but principal étant de renforcer leur expertise métier (45,90 %), obtenir un diplôme et préparer leur évolution professionnelle (26,90 %) et développer leur culture personnelle (22,40 %). Côté entreprises, 90 % ont une procédure de demande de DIF et 65 % ont inclus le DIF dans l'entretien professionnel annuel.
Des craintes financières
Face à cette appropriation du DIF par les entreprises et les salariés, l'enquête de Demos rappelle que le DIF « doit encore se structurer et qu'il] soulève des inquiétudes financières. »
Ainsi, l'étude relève que 90 % des entreprises gèrent le DIF « au fil de l'eau » et que 40 % « n'ont aucune priorité ou orientation » en la matière. Et surtout, dans une majorité d'entreprises (66,70 %), le DIF n'a eu aucun impact sur le taux d'accès à la formation des salariés. Et ce, sans doute pour des raisons financières.
En effet, 75 % des entreprises interrogées dans l'enquête Demos affirment disposer d'un budget formation unique. Ce qui est dédié au DIF représente donc un investissement en moins pour les autres dispositifs. A ce sujet, Michèle Boumendil, directrice du cabinet Boumendil consultant, souligne : « De nombreux rapports sur la formation professionnelle présentent le DIF comme un dispositif qui va cannibaliser les autres. »
Par ailleurs, si 57,60 % des entreprises interrogées révèlent qu'elles n'ont jamais essuyé de refus de financement du DIF par leur OPCA, les auteurs de l'enquête estiment que ces refus sont en hausse. Sans doute une des raisons pour lesquelles plus d'un tiers des entreprises (37,30 %) ne prévoit pas un développement du DIF en 2008. Les auteurs du rapport concluent ainsi que le DIF « impose aux entreprises de résoudre l'équation financière de son développement ».
Supprimer l'obligation légale ?
Aborder la question du financement du DIF impose de s'interroger sur la question plus large de la réforme de la formation professionnelle. A ce sujet, le rapport Carle (juillet 2007) -du nom du sénateur de Haute-Savoie et président de la mission d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle- émet plusieurs propositions. Parmi celles-ci, la remise en cause de l'obligation légale de financement du plan de formation (0,9 % de la masse salariale pour les entreprises de plus de 10 salariés et 0,4 % pour les entreprises de moins de 10 salariés).
Selon les auteurs du rapport, les motivations initiales de cette obligation n'ont plus court. Le principe « former ou payer » aboutirait à un résultat peu satisfaisant : soit les entreprises décident de ne pas, ou peu, former et elles payent cette obligation légale, soit elles forment et dépensent bien au-delà du seuil des 0,9 %, sans contrepartie fiscale ou sociale. Les auteurs appuient : « Il s'agit donc d'un système déresponsabilisant en deçà de l'obligation légale, et non mobilisateur au-delà. »
Complétant cet argument, Jean-Pierre Willems, consultant RH, confiait dans un entretien accordé à Entreprises et carrière (n°878) que « les effets positifs de l'obligation fiscale ont déjà été produits : les Opca sont constitués, les habitudes de financement sont prises. L'effet de levier de l'obligation est aujourd'hui essoufflé. »
Enfin, les partenaires sociaux eux-mêmes, dans l'ANI de 2003, revendiquaient « une plus grande autonomie (...) dans la définition des objectifs de la formation professionnelle et dans l'affectation des moyens qui leur sont consacrés. »
Une obligation conventionnelle
Dès lors, par quoi remplacer cette obligation légale ? Les plus pessimistes -ou les plus prudents- s'interrogent : « La fin de l'obligation légale de financement du plan de formation représente-t-elle la fin de l'obligation de former ? » Pas exactement. Le rapport Carle envisage plusieurs hypothèses. L'une consiste à mettre en place un système de prélèvements et de subventions. Les entreprises bénéficieraient ainsi de « primes à la formation » proportionnelles aux dépenses engagées. Si ce système permet la responsabilisation et l'incitation des entreprises, il est, en revanche, jugé difficilement applicable.
Une autre hypothèse consiste à « laisser décider les partenaires sociaux conformément à leurs vœux », révèle le rapport. Ces derniers pourraient alors souhaiter maintenir une obligation dite conventionnelle. Une solution qui permettrait « d'alléger le travail administratif des services de formation des entreprises », explique Jean-Pierre Willems. Et de rajouter : « Centrer leur intervention sur la finalité de la formation] serait quand même préférable. »
Seulement, une telle option présente également des risques. Le premier est mentionné dans le rapport Carle : « une fixation de certains taux conventionnels à un niveau trop bas (...) qui] ne permette plus d'accomplir l'effort de formation effectivement nécessaire pour entretenir l'employabilité des salariés ». Le second est qu'« une cotisation conventionnelle ouvre aussi la porte à une cotisation salariale, note le consultant RH. Cela pourrait s'inscrire dans la mise en place d'un compteur personnel pour le financement du DIF. »
Un compte épargne formation
Cet argument avancé par Jean-Pierre Willems a également été envisagé par le rapport sénatorial qui parle de « compte épargne formation individualisé et attaché à la personne tout au long de son existence professionnelle ». En revanche, le rapport ne mentionne pas le financement éventuel par le salarié. Dans ce contexte, l'employeur conserverait une obligation légale à l'égard de chacun des salariés. « Chaque année, les montants consacrés par l'employeur à chaque salarié pour sa formation s'imputeraient sur son obligation légale et le reliquat serait reversé sur un compte d'épargne formation appartenant au salarié », précise le document.
Un compte sur lequel l'employeur garderait la main pour financer les actions de formation du plan, mais que le salarié conserverait avec un crédit de formation en cas de licenciement. Dans cette hypothèse, les abondements pourraient se faire également par le service public de l'emploi : « un facteur incitatif pour un nouvel employeur qui trouverait attaché au salarié recruté les moyens de sa formation », relèvent les auteurs.
Un DIF transférable
Enfin, le rapport a également envisagé une variante de la solution précédente, à savoir « la mise en place d'une obligation de formation à l'égard de chacun des salariés au travers d'un DIF transférable via un compte d'épargne formation individualisé, par la suppression de l'obligation légale pour le plan de formation ». Les auteurs vantent cette option comme « une solution satisfaisante », car basée sur l'instrument, selon eux, le plus abouti de la formation professionnelle : le DIF. Un choix qui, du fait du rattachement de la formation à la personne et non plus au statut, va dans le sens d'une sécurisation accrue des parcours professionnels.
Seulement, un détail de taille reste à régler. Si l'ANI de janvier 2008 a bien repris le concept de transférabilité du DIF, le projet de loi transposant celui-ci et présentée devant le conseil des ministres le 26 mars 2008 ne l'a pas retenu. Un concept mort dans l'œuf en quelques sortes. En attendant les prochaines négociations.
Brice Ancelin
Credits photo © endostock
Lire aussi les autres articles publiés sur le sujet sur FormaGuide : - Le DIF, comment s’en sortir ? Par Didier Cozin - Dif : les lignes bougent - Dif et période de professionnalisation : les chouchous des PME... - Nouvelles frontières : utiliser le Dif pour favoriser la mobilité - [Sodexo et les Trophées du Dif : et de deux ! - [Monter un catalogue spécial Dif dans son entreprise, mode d'emploi - [La mairie de Cannes déroule le tapis rouge au Dif
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