Le DIF, sept ans de malheur ? Par Didier Cozin (1/2)
L’histoire du DIF aura souvent été depuis 2003 celle des occasions ratées, des rendez vous manqués, de velléités de changement très rapidement oubliées. Dans un pays largement immobile, craignant pour son modèle social et son avenir économique changer ou faire évoluer la formation professionnelle n’est pas une sinécure.
Reprenons un peu la chronologie de ce Droit à la formation inaccessible encore à l’immense majorité des travailleurs.
En 2004, juste après le vote de la Loi (qui mit en forme des Accords Interprofessionnels de 2003) un fol espoir étreignit le petit univers de la formation professionnelle. Le DIF allait changer la face de la formation et il fallait se mettre en ordre de marche pour accueillir des bouleversements qui faisaient alors l’unanimité.
Ces espoirs étaient portés par un inédit dispositif généralisé de formation professionnelle, une sorte de congés payés bis qui devait permettre aux organismes de formation de travailler à guichet fermé et à flux tendus (à l’instar des années qui suivirent la première Loi sur la formation de 1971).
L’ANI de 2003 devait immanquablement entraîner un immense développement de la formation : il ne s’agissait pas uniquement de mettre en pratique un nouveau droit universel de se former, le DIF, mais aussi d’inciter (sous la pression des salariés et des représentant des personnels) les entreprises à investir plus et mieux dans la formation des hommes, ce capital humain tant négligé dans la plupart des organisations.
Au niveau de l’entreprise
Les cotisations obligatoires évoluaient peu (passant de 1,5 % à 1,6 % pour les plus de 20 salariés) mais le pari des partenaires sociaux était tout autre : sortir de la stricte obligation de payer (parfois détournée mais souvent incomprise) en contraignant les entreprises à augmenter volontairement leur participation au développement de la formation des salariés (via des demandes individuelles complétant le plan de l’entreprise).
Si le plan de formation nécessitait toujours des financements (avec le 0,9 % du plan) le développement du DIF impliquait que les entreprises deviennent réceptives et bienveillantes face aux demandes en développement de leurs salariés. Il s’agissait donc de sortir d’un contrôle stricte par la loi tout en suscitant la naissance d’une inédite négociation entre le salarié et son employeur (devenant dès lors coresponsables de l’employabilité).
Au niveau des organismes de formation
Le DIF était un redoutable challenge car il eût fallu tout à la fois changer de braquet, de modèle économique et de public en formation. Le client principal n’était plus une organisation qui souhaitait mettre de l’huile dans ses rouages (industriels), sanctionner (ou récompenser) ses salariés, mais un salarié devenu acteur (et auteur) de son projet professionnel. Les salariés devaient faire leur révolution en passant du statut passif de sujet de la formation en citoyens sociaux libres, informés et formés volontairement.
Les humanités se rapprochaient après des siècles d’absence d’un monde du travail qui les avait cantonnées dans l’éducation initiale.
Le marché de la formation, éclaté en 50 000 prestataires, fonctionnait sur deux registres principaux : celui de grandes structures qui étaient parvenues à industrialiser et à standardiser des services de formation. Ces (quelques) grands organismes de formation (nés au début du XXe siècle ou après la réforme de 1971) étaient le pendant de notre grande industrie ou de la chaîne d’hypermarchés, d’énormes organisations condamnées à grandir sans cesse, nourries année après année au plan de formation, couvrant la quasi-totalité des besoins des entreprises (organisation, conseil, formation, externalisation)… mais rarement des salariés !
Revivre son âge d’or
Face à ces grandes organisations, subsistait un marché très atomisé avec des dizaines de milliers de formateurs indépendants ou de très petites structures (parfois associatives) qui tentaient de survivre en jouant de l’hyper spécialisation, de la flexibilité, des bas prix ou de la proximité avec les PME pour assurer leur activité dans la formation professionnelle continue.
Ce marché dual de la formation aborda le DIF souvent avec enthousiasme, une confiance et une envie de faire bouger les lignes. Le marché de la formation pensait alors revivre son âge d’or (le second après la Loi de 1971) ce temps béni où il suffit d’avoir un centre de formation pour être assailli de clients. Une demande jamais satisfaite comme le pays en connaît tous les 20 ou 30 ans dans le domaine de services aux entreprises.
La quasi-totalité des organismes de formation firent et montèrent leurs classes « formation tout au long de la vie »: comprendre la loi, construire des offres, requalifier le catalogue (avec par exemple des formations de 20 h) ou travailler sur le conseil au déploiement du DIF (au besoin en rédigeant moult articles ou ouvrages savants sur la question).
En 2005 (il fallait bien attendre que les 20 heures soient atteintes) les acteurs de la formation étaient prêts et attentifs à accueillir les premiers bataillons de demandeurs de DIF. Des enquêtes ou estimations (plus ou moins fantaisistes) circulaient dans la presse spécialisée : de 5 à 20 % des salariés allaient demander leur DIF dès cette première année de déploiement.
- Voir la seconde partie de cette chronique : le DIF de 2005 à 2010
En 2004, juste après le vote de la Loi (qui mit en forme des Accords Interprofessionnels de 2003) un fol espoir étreignit le petit univers de la formation professionnelle. Le DIF allait changer la face de la formation et il fallait se mettre en ordre de marche pour accueillir des bouleversements qui faisaient alors l’unanimité.
Ces espoirs étaient portés par un inédit dispositif généralisé de formation professionnelle, une sorte de congés payés bis qui devait permettre aux organismes de formation de travailler à guichet fermé et à flux tendus (à l’instar des années qui suivirent la première Loi sur la formation de 1971).
L’ANI de 2003 devait immanquablement entraîner un immense développement de la formation : il ne s’agissait pas uniquement de mettre en pratique un nouveau droit universel de se former, le DIF, mais aussi d’inciter (sous la pression des salariés et des représentant des personnels) les entreprises à investir plus et mieux dans la formation des hommes, ce capital humain tant négligé dans la plupart des organisations.
Au niveau de l’entreprise
Les cotisations obligatoires évoluaient peu (passant de 1,5 % à 1,6 % pour les plus de 20 salariés) mais le pari des partenaires sociaux était tout autre : sortir de la stricte obligation de payer (parfois détournée mais souvent incomprise) en contraignant les entreprises à augmenter volontairement leur participation au développement de la formation des salariés (via des demandes individuelles complétant le plan de l’entreprise).
Si le plan de formation nécessitait toujours des financements (avec le 0,9 % du plan) le développement du DIF impliquait que les entreprises deviennent réceptives et bienveillantes face aux demandes en développement de leurs salariés. Il s’agissait donc de sortir d’un contrôle stricte par la loi tout en suscitant la naissance d’une inédite négociation entre le salarié et son employeur (devenant dès lors coresponsables de l’employabilité).
Au niveau des organismes de formation
Le DIF était un redoutable challenge car il eût fallu tout à la fois changer de braquet, de modèle économique et de public en formation. Le client principal n’était plus une organisation qui souhaitait mettre de l’huile dans ses rouages (industriels), sanctionner (ou récompenser) ses salariés, mais un salarié devenu acteur (et auteur) de son projet professionnel. Les salariés devaient faire leur révolution en passant du statut passif de sujet de la formation en citoyens sociaux libres, informés et formés volontairement.
Les humanités se rapprochaient après des siècles d’absence d’un monde du travail qui les avait cantonnées dans l’éducation initiale.
Le marché de la formation, éclaté en 50 000 prestataires, fonctionnait sur deux registres principaux : celui de grandes structures qui étaient parvenues à industrialiser et à standardiser des services de formation. Ces (quelques) grands organismes de formation (nés au début du XXe siècle ou après la réforme de 1971) étaient le pendant de notre grande industrie ou de la chaîne d’hypermarchés, d’énormes organisations condamnées à grandir sans cesse, nourries année après année au plan de formation, couvrant la quasi-totalité des besoins des entreprises (organisation, conseil, formation, externalisation)… mais rarement des salariés !
Revivre son âge d’or
Face à ces grandes organisations, subsistait un marché très atomisé avec des dizaines de milliers de formateurs indépendants ou de très petites structures (parfois associatives) qui tentaient de survivre en jouant de l’hyper spécialisation, de la flexibilité, des bas prix ou de la proximité avec les PME pour assurer leur activité dans la formation professionnelle continue.
Ce marché dual de la formation aborda le DIF souvent avec enthousiasme, une confiance et une envie de faire bouger les lignes. Le marché de la formation pensait alors revivre son âge d’or (le second après la Loi de 1971) ce temps béni où il suffit d’avoir un centre de formation pour être assailli de clients. Une demande jamais satisfaite comme le pays en connaît tous les 20 ou 30 ans dans le domaine de services aux entreprises.
La quasi-totalité des organismes de formation firent et montèrent leurs classes « formation tout au long de la vie »: comprendre la loi, construire des offres, requalifier le catalogue (avec par exemple des formations de 20 h) ou travailler sur le conseil au déploiement du DIF (au besoin en rédigeant moult articles ou ouvrages savants sur la question).
En 2005 (il fallait bien attendre que les 20 heures soient atteintes) les acteurs de la formation étaient prêts et attentifs à accueillir les premiers bataillons de demandeurs de DIF. Des enquêtes ou estimations (plus ou moins fantaisistes) circulaient dans la presse spécialisée : de 5 à 20 % des salariés allaient demander leur DIF dès cette première année de déploiement.
Didier Cozin est auteur des ouvrages Reflex DIF et Histoire de DIF |
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