Les temps changent, la formation évolue. Par Stéphane Diebold

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Quelques pistes de réflexions pour que la formation rentre dans la société immédiate, pour reprendre le titre du livre de Pascal Josèphe. Si on considère les stagiaires comme des consommateurs de formations, il est intéressant de chercher à comprendre les attentes de ce consommateur. Si on fait l'hypothèse que les tendances prospectives vont avoir un impact sur la formation, on peut trouver un axe de réflexion pour construire la formation de demain. Demain permet de construire aujourd'hui. Les temps changent. Il faut faire de plus en plus de choses en de moins en moins de temps. Les rythmes s'accélèrent tant au niveau personnel que professionnel. Il est surprenant de constater que cette évolution sociologique durable n'a eu que peut d'impact sur la réflexion du processus formatif. Comment expliquer cette situation ? Historiquement, la formation behavioriste est restée dominante jusqu'à la fin des années 70 et le temps de la formation scientifique, au sens organisation scientifique du travail, est séquentiel et linéaire. Le stagiaire s'adapte à la formation que des experts lui ont construite pour optimiser efficacement son temps de stage. Ce qui est paradoxale, c'est que le même stagiaire, en stage, est calibré comme moderne ou scientifique, et hors stage, avec un comportement, un rythme de vie, qui n'a rien à voir. On parle d'un comportement post moderne. Soit l'entreprise reste dans une logique classique, on parle de formation verticale, soit on change de paradigme et essaie de construire une autre forme de relation, la formation horizontale, et dans ce cas, le processus formatif va devoir intégrer une nouvelle organisation du temps... Les temps changent, la formation s'adapte. Le marketing et la formation Les consommateurs de formation cherchent, à travers leur consommation, bien sûr à se former, mais surtout à vivre des expériences qui sont impactantes pour eux. La formation devient affective, fini la seule rationalisation de la formation. Après le choc des photos, le choc des formations. Rien que les titres changent. On ne parle plus d'apprentissage des techniques de vente mais de « comment doubler son chiffre d'affaire en deux jours » ou d'apprendre à « convaincre en deux minutes ». Le marketing de la formation est une façon de susciter l'envie avant la consommation mais l'émotion va plus loin. Elle permet de mémoriser davantage de messages en moins de temps. Elle permet de repenser la mémorisation séquentielle. N'importe quelle règle de bon sens présentée par David Douillet ou Maud Fontenoy prendra tout son sens et sera ressassée à loisir en situation professionnelle. Dans le même ordre d'idée, le spectacle a fait une entrée en force dans la formation, le théâtre par exemple permet aux stagiaires de vivre une expérience inoubliable qui leur permettra de mémoriser davantage de messages qu'un simple parcours classique. Pourquoi cette évolution ? Le monde de l'entreprise est en perte de sens. L'entreprise a trop d'informations qu'elle n'arrive plus à gérer. Dans la révolte du prolétariat (2006), Joël de Rosnay parle de « l'ère de l'abondance numérique ». D'autres parlent de mal information. Il devient difficile pour chaque collaborateur de prioriser le flux d'informations qu'il reçoit. Trop d'information tue l'information. Pour leur permettre de mémoriser, l'émotion permet d'accroître la performance des formations. Formations « endiablées » Les consommateurs sont zappeurs. S'ils ne sont pas contraints, la demande individuelle de formation devrait suivre cette tendance lourde. Le zapping formatif peut prendre plusieurs formes. Il peut transformer le processus pédagogique qui ne serait plus linéaire mais à des rythmes mosaïques. Le rythme du présentiel va changer, prenons l'exemple de ce que l'on appelle en télévision le « split screen », c'est-à-dire sur une même image avoir plusieurs incrustations pour suivre en direct l'évolution de plusieurs situations. Si le public plébiscite des séries télé comme « 24 heures chrono » pour le rythme endiablé, le stagiaire plébiscitera des formations endiablées. D'ors et déjà de certains organismes de formation proposent des rythmes cassés pour apprendre plus en moins de temps. Les cassures captent l'attention et donc favorise l'apprentissage. Le jeu ou la pédagogie ludique peut permettre de casser les rythmes plus efficacement. Mais le zapping peut prendre bien des formes. Si on zappe sur les contenus, on peut zapper aussi sur les supports. A titre d'exemple, on a déjà internet qui permet de zapper entre formation en entreprise et formation à domicile, mais demain la mobilité fera son entrée avec de nouveaux outils comme les PDA voir les Ipod formatifs. Déjà ISS propose des SMS formatifs. L'apprenant et la formation se libèrent. World cafés, communautés de pratiques, « learning by doing »... Les stagiaires ne veulent plus se contenter d'être seulement des consommateurs de formations, ils veulent aussi devenir des acteurs de formation avec par exemple des outils comme les World Cafés. Chacun raconte une histoire en petits groupes pour favoriser l'apprentissage de proximité pour ensuite l'agréger au niveau global. Pédagogiquement il n'y a rien de nouveau sur l'interactivité de groupe mais le pair à pair ouvre voie aux apprentissages informels. La discussion peut devenir formative tout comme les communautés de pratiques. Tout peut devenir formation. D'autres proposent le learning by doing. Le temps alloué à l'acquisition des savoirs n'est plus séquentiel, et propose de mélanger apprentissage et opérationnalité. Tout change, et le processus d'apprentissage devient mosaïque, ces petits moments particuliers qui mis en perspective représentent un ensemble cohérent et équilibré. Le rôle du responsable de formation devient de construire des logiques d'apprentissages différentes. Tout s'accélère. Les expériences formatives se multiplient quelles qu'en soit les formes, et le temps devient erratique. Il s'accélère, se décélère suivant les moments tout au long de la vie. Ces instants formatifs sont des speed dating formatifs, le stagiaire rencontre à des instants brefs des passeurs de compétences, plus ou moins à sa demande. Cette tendance est une réponse à l'accélération de l'obsolescence des connaissances. Si tout s'accélère, le moins que le responsable de formation puisse faire c'est d'organiser des parcours qui soient à la hauteur des enjeux. Et ceux qui le feront le plus rapidement auront un avantage concurrentiel, encore un problème de timing... A propos de l'auteur :
Stéphane Diebold est un spécialiste de la formation et du management, avec 15 ans d'expériences dans la direction de la formation initiale (écoles supérieures de commerce) et la formation continue (Midas France, Groupe Galerie Lafayette). Il a mis son expérience au service de l'innovation pédagogique et de la performance en entreprise, en France et à l'étranger, au sein de l'Institut Avicenne dont il est le fondateur.


Du même auteur, publié sur FormaGuide : - Peut-on revenir aux fondamentaux de la formation ? Par Stéphane Diebold - Information et formation, une relation en devenir. Par Stéphane Diebold - Qu’est ce que la réalité augmentée peut apporter à la formation ? Par Stéphane Diebold - Que peuvent nous apprendre les sites de rencontres sur la formation ? Par Stéphane Diebold - Le formateur doit-il être un « show man » ? Par Stéphane Diebold - La formation peut-elle être « éthique » ? Par Stéphane Diebold - L’individu doit-il vraiment devenir acteur de sa formation ? - La pédagogie est de retour. Par Stéphane Diebold - « Un nouvel outil au service du responsable de formation : le marketing formation ». Par Stéphane Diebold - La formation en management a-t-elle encore un sens ? Par Stéphane Diebold

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