Mesure économique et évaluation des compétences : paradoxes de la notion de valeur. Par Jean-François Ballay
De quoi parle-t-on lorsqu’on parle d’évaluation ? Les acteurs financiers, les gouvernements, les entreprises, les collectifs de travail, les managers, font tous, chaque jour, des « évaluations » dans leurs sphères propres. Cela fait beaucoup d’usages pour un même mot !
- Or, ce à quoi pense un pédagogue ou un responsable des ressources humaines quand ils parlent d’évaluation n’a, à première vue, pas grand-chose à voir avec les usages qu’en font un comptable, un analyste financier, un chef d’entreprise, un homme politique, un économiste.
- Les objets évalués dans ces différentes configurations sont en apparence de natures très différentes, et obéissent à des logiques hétérogènes, voire incompatibles ; ainsi la « création de valeur » chez les uns peut s’accompagner d’une « perte des valeurs » chez les autres. Il en résulte une difficulté de fond, pour les acteurs socio-économiques et politiques, à concilier les logiques financières et comptables avec des phénomènes aussi complexes que l’éducation, l’apprentissage, la transmission, la coopération intergénérationnelle et inter-catégorielle dans la société.
La mesure économique suppose un ancrage social des valeurs
- La valeur économique a été présentée, depuis un siècle et demi, comme une quantité objective, rendue autonome par rapport à son substrat social. Mais ces dernières années, la fréquence et l’ampleur des crises ont poussé un nombre croissant d’économistes à remettre en cause ce postulat. La valeur économique apparaît à nouveau, non pas comme une simple variable soumise aux lois de l’offre et de la demande, mais plus fondamentalement comme une grandeur qui fait l’objet de choix stratégiques de la part des acteurs macroéconomiques.
- De là découlent, au niveau d’une entreprise, les paradoxes, difficiles à gérer en pratique, entre d’un côté la compétition et d’un autre côté la coopération. Les problèmes de violence latente dans le monde du travail, le stress, les conflits en sont d’autres conséquences qu’on ne peut plus ignorer.
- Il faut garder à l’esprit qu’une entreprise n’obéit pas seulement à des réalités marchandes et financières mais aussi à des réalités sociales et environnementales. Toute entreprise est insérée dans un tissu multidimensionnel de relations, de contraintes et de règles, qui peuvent être contradictoires. Ainsi il n’est pas facile, sur le terrain, de concilier les pratiques de gestion et la réciprocité entre individus, nécessaire pour maintenir un climat de confiance et une bonne coopération.
La compétence est un facteur difficile à évaluer
- L’apprentissage, le développement des compétences, la formation tout au long de la vie sont fondamentalement dépendants des valeurs sociales, mais ce lien reste souterrain. Ce sont généralement les critères de performance immédiate qui sont mis en avant, ce qui peut aboutir à dissocier des choses qui en fait sont profondément interdépendantes. Les « valeurs » qui sont à l’oeuvre dans la société et dans la branche professionnelle concernée n’agissent qu’en arrière-plan, et elles peuvent être négligées dans l’évaluation du professionnalisme – alors même qu’elles sont fondamentales pour l’exercice du métier.
- L’actualité du renouvellement des compétences et le brassage des générations dans l’entreprise illustrent bien cette problématique : quels sont les critères d’évaluation des savoirs et des savoir-être pour recruter et professionnaliser les nouvelles générations, si l’on veut s’adapter aux évolutions culturelles, géographiques, environnementales du monde qui se dessine ?
- On ne peut pas espérer atteindre l’excellence économique ou sociale sous l’angle uniquement quantitatif, sans faire preuve aussi d’une excellence dans les façons de se coordonner, d’apprendre et de partager des valeurs morales. De nombreuses activités qui contribuent à créer des avantages distinctifs au niveau de l’entreprise nécessitent des formes de créativité, de collaboration, de partage des savoirs, et d’apprentissage qui ne peuvent pas s’organiser selon le modèle quantitatif de la « chaîne de valeur ».
- Ces dimensions professionnelles, à la fois sociales et cognitives, obéissent à des formes de rationalité non-quantitative, qui sont au coeur de la dynamique humaine de l’entreprise. Leur complexité fait qu’elles n’obéissent pas à un modèle linéaire comme dans le cas des processus de la norme ISO. En outre, leurs effets, qui sont bien réels, ne sont pas pour autant immédiatement mesurables. La formation et l’apprentissage, notamment, sont des exemples emblématiques de ces processus cognitifs dont les effets réels se déploient à l’intérieur des individus et non pas à l’extérieur sous la forme d’un produit ou d’une marchandise. Il est donc indispensable de prendre conscience de cette complexité, si l’on veut concilier performance économique et développement durable.
Contact : jean-francois.ballay@edf.fr
La mesure économique suppose un ancrage social des valeurs
- La valeur économique a été présentée, depuis un siècle et demi, comme une quantité objective, rendue autonome par rapport à son substrat social. Mais ces dernières années, la fréquence et l’ampleur des crises ont poussé un nombre croissant d’économistes à remettre en cause ce postulat. La valeur économique apparaît à nouveau, non pas comme une simple variable soumise aux lois de l’offre et de la demande, mais plus fondamentalement comme une grandeur qui fait l’objet de choix stratégiques de la part des acteurs macroéconomiques.
- De là découlent, au niveau d’une entreprise, les paradoxes, difficiles à gérer en pratique, entre d’un côté la compétition et d’un autre côté la coopération. Les problèmes de violence latente dans le monde du travail, le stress, les conflits en sont d’autres conséquences qu’on ne peut plus ignorer.
- Il faut garder à l’esprit qu’une entreprise n’obéit pas seulement à des réalités marchandes et financières mais aussi à des réalités sociales et environnementales. Toute entreprise est insérée dans un tissu multidimensionnel de relations, de contraintes et de règles, qui peuvent être contradictoires. Ainsi il n’est pas facile, sur le terrain, de concilier les pratiques de gestion et la réciprocité entre individus, nécessaire pour maintenir un climat de confiance et une bonne coopération.
La compétence est un facteur difficile à évaluer
- L’apprentissage, le développement des compétences, la formation tout au long de la vie sont fondamentalement dépendants des valeurs sociales, mais ce lien reste souterrain. Ce sont généralement les critères de performance immédiate qui sont mis en avant, ce qui peut aboutir à dissocier des choses qui en fait sont profondément interdépendantes. Les « valeurs » qui sont à l’oeuvre dans la société et dans la branche professionnelle concernée n’agissent qu’en arrière-plan, et elles peuvent être négligées dans l’évaluation du professionnalisme – alors même qu’elles sont fondamentales pour l’exercice du métier.
- L’actualité du renouvellement des compétences et le brassage des générations dans l’entreprise illustrent bien cette problématique : quels sont les critères d’évaluation des savoirs et des savoir-être pour recruter et professionnaliser les nouvelles générations, si l’on veut s’adapter aux évolutions culturelles, géographiques, environnementales du monde qui se dessine ?
- On ne peut pas espérer atteindre l’excellence économique ou sociale sous l’angle uniquement quantitatif, sans faire preuve aussi d’une excellence dans les façons de se coordonner, d’apprendre et de partager des valeurs morales. De nombreuses activités qui contribuent à créer des avantages distinctifs au niveau de l’entreprise nécessitent des formes de créativité, de collaboration, de partage des savoirs, et d’apprentissage qui ne peuvent pas s’organiser selon le modèle quantitatif de la « chaîne de valeur ».
- Ces dimensions professionnelles, à la fois sociales et cognitives, obéissent à des formes de rationalité non-quantitative, qui sont au coeur de la dynamique humaine de l’entreprise. Leur complexité fait qu’elles n’obéissent pas à un modèle linéaire comme dans le cas des processus de la norme ISO. En outre, leurs effets, qui sont bien réels, ne sont pas pour autant immédiatement mesurables. La formation et l’apprentissage, notamment, sont des exemples emblématiques de ces processus cognitifs dont les effets réels se déploient à l’intérieur des individus et non pas à l’extérieur sous la forme d’un produit ou d’une marchandise. Il est donc indispensable de prendre conscience de cette complexité, si l’on veut concilier performance économique et développement durable.
Contact : jean-francois.ballay@edf.fr
Jean-François Ballay est un spécialiste de la formation, de la gestion des connaissances et des compétences, avec 25 ans d’expérience en grande entreprise où il a des responsabilités dans le domaine de la formation. Il dirige un séminaire à Science Po depuis 12 ans. Il est intervenu dans de nombreuses conférences, a publié un grand nombre d’articles, et a écrit plusieurs ouvrages, dont « Tous managers du savoir » aux éditions d’Organisation, et « Capitaliser et transmettre les savoir-faire de l’entreprise », aux éditions Eyrolles. Il a participé à des groupes de travail sur l’économie de la connaissance, notamment pour le Commissariat du Plan, et est intervenu également au Québec. De formation initiale double, il est ingénieur et littéraire, et a une pratique dans les arts du spectacle. |
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