Peut-on apprendre à l’insu de son plein gré ? Par Stéphane Diebold

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Apprendre à l’insu de son plein gré est une gageure dans la réflexion pédagogique, tant l’idée de l’intentionnalité est forte. L’individu est un apprenant, acteur de son apprentissage… enfin, en théorie.

Déjà Wilbur Schramm, Jack Lyle et Edwin Parker, en 1961, avaient créé un coin dans le modèle, avec la notion d’apprentissage incident, apprendre en passant, en s’amusant, sans vouloir y toucher. L’apprentissage n’est déjà plus au cœur de l’action, l’apprentissage se fait à la marge. Mais il existait toujours une intentionnalité passive. De là à parler de l’insu de son plein gré… Et bien, les neurosciences avec Daniel Schacter, Professeur à Harvard, ont démontré, depuis 1980, l’existence d’une mémoire implicite… A l’insu de son plein gré ? De quoi s’agit-il ?
Traditionnellement, les neurosciences considèrent que l’apprentissage est la mémorisation des informations. Or, il existe différent types de mémoires pour un même individu : la mémoire sensorielle, la mémoire de travail et la mémoire de long terme. Regardons de plus près chacune des mémoires.
La mémoire iconique
La mémoire sensorielle, comme son nom l’indique, est une mémoire qui agit par les sens, il s’agit d’une mémoire de type visuelle, auditive… Sandra Enlart a vulgarisé une possibilité d’apprentissage scan : l’individu regarde l’écran de son ordinateur dans un état de non conscience, mais pas sans conséquence. Il ne s’agit pas d’une mémoire pleinement consciente, l’œil laisse dérouler le contenu de l’écran. C’est ce que d’autres appellent la mémoire iconique. En un coup d’œil, un individu peut mémoriser une certaine quantité d’information. Ainsi un individu qui regarde 4 à 5 lettres, en un coup d’œil peut mémoriser entre 33 à 42 % de l’information, une mémoire photographique en quelque sorte. Cette mémoire iconique est encore mal connue, mais l’intentionnalité n’est pas dans la mémorisation instinctive.
La mémoire procédurale
La mémoire de travail, à court terme (moins d’une minute), présente une capacité à retenir de 5 à 9 informations à la fois, d’où le chiffre mythique souvent avancé de 7. Cette situation permet de construire des ruses de mémorisations, qui font les beaux jours des mentalistes. L’individu doit être attentif pour que cela fonctionne. Cette mémoire est procédurale, en développant des automatismes qui augmentent ses performances. La création de l’automatisme peut être intentionnel mais après c’est mécanique.
La mémoire émotionnelle
Et enfin, la mémoire à long terme recouvre tout à la fois une mémoire explicite mais aussi une mémoire implicite. Et cette mémoire implicite permet d’utiliser deux types de nouveauté : la mémoire procédurale de longue période et la mémoire émotionnelle. La procédure, le rituel, et les automatismes favorisent certains types d’apprentissage. Alors que l’émotion en favorise d’autres, comme le jeu ou le festif. Autant de process qui renouent avec les apprentissages incidents et qui sont particulièrement efficaces pour emmagasiner des informations.
Une nouvelle frontière
On le voit, toutes ces découvertes ou redécouvertes nous permettent de dire que l’on apprend beaucoup plus que simplement de façon rationnelle ou intentionnelle. Et que des champs nouveaux s’ouvrent devant les pédagogues pour construire avec l’intentionnel, le non intentionnel, conscient ou non. Le pédagogue peut concourir plus ou moins consciemment à sa propre transformation, en vue d’une plus grande efficacité ; une nouvelle frontière à découvrir. La formation qui a en son cœur la transformation des autres pourrait, pour une fois, faire mentir l’adage selon lequel les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés…

A propos de l’auteur
Stéphane Diébold
… Il a mis son expérience au service de l’innovation pédagogique et de la performance en entreprise, au sein de TEMNA (www.temna.fr) dont il est le fondateur depuis 2003. Associatif, il a assumé des responsabilités dans une dizaine d’association, essentiellement formatives, aujourd’hui Vice-président du GARF (Groupement des acteurs et responsables formation) et de l’ETDF (European traning and development federation – Fédération européenne pour la formation et le développement)

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