Qu’est-ce qu’un singe peut nous apprendre ? Par Stéphane Diebold

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Fin 2011, un film sur la science est sorti en salle, « Le projet Nim ». Il s’agissait d’un documentaire qui relatait une expérience démarrée en 1973, le directeur de recherche, Herbert Terrace, a placé un bébé singe dans une famille d’accueil humaine pour qu’elle l’éduque comme un enfant humain, et ainsi voir comment l’animal s’adapte, s’il s’humanise. Le film remet à l’honneur une problématique qui a toujours son actualité, en créant un environnement favorable, humain pour Nim, peut-on permettre un meilleur apprentissage de l’apprenant ? Qu’est-ce que cela peut apporter à la formation en entreprise ?

Tout d’abord, il faut remettre le projet en perspective : dans les années 70, l’éthologie n’avait pas la résonance qu’elle a aujourd’hui et l’humanisation était cantonnée à l’argumentation rationnelle. Aujourd’hui, la vie émotionnelle à d’autres résonnances. Ce n’est pas neutre de considérer qu’on demande à un singe d’apprendre à parler. D’ailleurs, compte tenu de la composition du larynx animal, il n’est pas possible au singe de parler comme l’homme. L’apprentissage du langage s’est donc fait sur la base du langage des signes.


Trop autocentré


Nim dans sa famille d’accueil composée de scientifiques - c’est dire le niveau de qualité de l’environnement - a réussi à apprendre le langage des signes. Il a même été capable d’en utiliser couramment jusqu’à 150. Alors que peut-on en dire ? Succès ou échec ? Si on suit Herbert Terrace le Projet Nim est un échec et ceci pour une raison simple : si l’animal retient bien 150 mots, il utilise majoritairement toujours les mêmes mots, et ce autour de trois mots : « moi », « câlin » et « jouer ». La conclusion, pour les créateurs de l’expérience, était que Nim était trop autocentré et dans l’incapacité de traiter du monde qui l’entourait… Incapable, en d’autres mots, de philosopher sur le sens des choses. Mais le résultat fut beaucoup plus tragique, car après cet échec, Nim a rejoint ses camarades chimpanzés. Et étant complètement asocial, faute de les avoir connus suffisamment jeune, au final il termina seul, et mourut en 2000. Que peut-on dire ?


L’émotion pour apprendre


Il ne s’agit pas de condamner cette expérience, en constatant qu’aujourd’hui la frontière homme animal a changé, mais surtout de proposer une interprétation iconoclaste pour l’apprentissage. Si Nim a appris 150 mots, on peut penser que si l’on avait poussé l’expérience, en continuant la stimulation, il aurait pu en apprendre beaucoup plus. Le socle de connaissances essentielles est traditionnellement estimé aux environs de 300 mots, Nim aurait pu développer une relative autonomie.

 

Et allons plus loin, le fait d’utiliser des mots liés à l’émotion à l’époque n’était pas compréhensible, mais aujourd’hui, on sait que l’émotion est la mère de tous les savoirs. Autrement dit, le jeu et le calin ne seraient-ils pas la pédagogie première, pour l’apprendre ? Cette expérience pourrait nous montrer que la gamification qui émerge n’est en fait qu’un retour à nos instincts. Une leçon particulière. Peut-être que cette expérience n’a pas rendu tous ses secrets et qu’il y a encore bien des façons de donner sens à cette expérience tragique…

 

A propos de l’auteur :


Stéphane Diébold
a mis son expérience au service de l’innovation pédagogique et de la performance en entreprise, au sein de TEMNA (www.temna.fr) dont il est le fondateur depuis 2003. Associatif, il a assumé des responsabilités dans une dizaine d’association, essentiellement formatives, aujourd’hui président du GARF (Groupement des acteurs et responsables formation) et vice-président de l’ETDF (European traning and development federation – Fédération européenne pour la formation et le développement).

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