E-learning : comment tenir le rôle principal dans le développement de ses compétences ?

Share |

Alors que la tendance se subit, l'opportunité, elle a contrario, se saisit. La tendance peut souvent sembler abstraite, éloignée, insaisissable alors que l'opportunité est bien concrète, tangible et finalement souvent à portée de main. « Les poubelles de l'histoire sont remplies de tendances prolongées. » écrivait Alphonse Allais. Ce n'est donc pas une tendance mais bien une opportunité qui s'offre à nous et influence fondamentalement notre manière d'apprendre. « Devenir responsable de son apprentissage » est effectivement le vrai défi qui pourra se transformer en une lame de fond auprès des organisations et des apprenants et qui permettra de réinventer la formation en entreprise.
Un petit détour historique nous permet de remarquer que plus l'enseignement s'est démocratisé (et nationalisé), plus le savoir a été structuré en « programmes » et transmis selon des modalités fixes à des groupes distincts. La responsabilité de l'organisation a été confiée exclusivement aux enseignants plutôt qu'aux apprenants. Le e-learning s'est bien entendu calqué, dès son apparition, sur les modèles de formation et d'enseignement existants. Organisé en programmes, distribué à des groupes « cibles », structuré de façon linéaire, la méthode était en phase avec les pratiques de la formation dite « traditionnelle » et la qualité des applications web qui la supportaient. Actuellement, l'évolution du web vers une (plate-) forme plus collaborative, favorisant les réseaux sociaux (le fameux « web2.0 ») rend à nouveau possible et désirable une approche directe de l'apprentissage par l'apprenant, à partir de son projet et des ressources disponibles.
L'utilisation et la maîtrise des réseaux, qu'ils soient publics (Internet), organisationnels (Intranet) ou privatifs (blogs, MySpace, LinkedIn, Pageflakes etc.) offrent donc la possibilité à l'apprenant de retrouver une place centrale dans le processus d'apprentissage. Les outils sont présents pour le propulser aux commandes de son apprentissage. Encore faudra-t-il que ces réseaux puissent coexister au sein des organisations et que l'apprenant soit capable de piloter son vaisseau. Que répondent en effet aujourd'hui la plupart des responsables informatiques lorsqu'il est question d'installer un logiciel de « social tagging » sur un navigateur ? Poser la question constitue déjà un élément de réponse.
Si la technologie permet dès aujourd'hui d'imaginer des apprenants qui tiennent le rôle principal dans le développement de leurs compétences, la mise en pratique au sein des organisations prendra naturellement un certain temps. L'évolution se fera sans doute en plusieurs étapes. Nous en sommes actuellement à la période des prises de conscience. Certaines entreprises lancent d'ores et déjà des projets visant l'autonomie dans l'apprentissage au travers de projets d'employabilité, de systèmes d'apprentissage en « self-service », ou via la mise à disposition de boites à outils, etc.. Dans certains cas, la capacité d'apprendre de façon autonome se trouve même reprise comme indicateur au sein d'un référentiel de compétences.
Le chemin est cependant encore très long car bien souvent les organisations se limitent à faciliter la hiérarchisation et l'accès à l'information. Le véritable apprentissage, le changement de paradigme, l'amélioration ou le développement des compétences ne se réaliseront pas dans ces conditions-là! L'apprenant doit en effet pouvoir mettre ses recherches en perspective avec une problématique donnée mais aussi les confronter à autrui, demander de l'aide, écouter et découvrir différents points de vue. Etre autonome et responsable dans son apprentissage ne signifie donc nullement être seul face à son apprentissage.
En guise d'illustration, voici un petit récit inspiré du livre de Jacques Attali: « La Confrérie des Eveillés » : En l'an 1135, un homme enveloppé dans un ample manteau de laine marron quitte Cordoue par la porte du Sud. Il est monté sur un âne et dans ses sacoches de cuir bouilli, il n'y a que des livres et des parchemins, de l'encre et des calames. C'est un jeune juif, il s'appelle Maïmonide et deviendra l'un des plus grands savants du moyen-âge. Il part pour Fès, à la recherche d'un mathématicien arabe dont on lui a parlé. Il espère trouver auprès de cet homme les réponses aux questions qu'il se pose. Il ne le sait pas encore mais son voyage ne fait que commencer. Chaque enseignement qu'il recevra suscitera en lui d'autres questions, et la recherche d'autres hommes instruits le conduira dans d'autres villes lointaines. Il ira jusqu'à Jérusalem et même jusqu'à Bagdad, où se trouve alors la plus grande bibliothèque du monde médiéval. L'opportunité qui se présente à Maïmonide est identique à celle des apprenants d'aujourd'hui. Prendre en main son propre destin d'apprenant. On dirait aujourd'hui de Maïmonide qu'il « construit son parcours personnel d'apprentissage ». C'est qu'à l'époque, ceux qui voulaient apprendre, se mettaient en route et cherchaient. Certaines régions, comme l'Andalousie ou le Proche-Orient, où cohabitaient les traditions grecque, juive, chrétienne et arabe constituaient alors des lieux d'échanges de savoirs privilégiés. Le Web 2.0 est en quelque sorte au XXIe siècle ce que l'Andalousie était au XIIe siècle: tous les savoirs s'y croisent, les apprenants sont acteurs de leur développement, je peux y rencontrer un professeur, qui m'enverra bientôt chercher ce que je peux trouver chez un autre, à dix mille kilomètres de chez moi. Mais je n'aurai besoin ni d'âne ni de chameau, juste d'un accès à mes réseaux !
À propos de l'auteur :
« Fort de l'expérience acquise tout au long de sa carrière dans le secteur de la formation, Stephan Atsou a récemment pris la Direction de CrossKnowledge en Belgique et aux Pays Bas. Membre actif du groupe Epsilon, association reconnue regroupant les professionnels de la formation en Belgique, il a occupé différentes fonctions au sein de U&I Learning, société spécialisée dans le e-learning custom. Il était dernièrement responsable du comité d'innovation. Il intervient fréquemment lors de congrès internationaux sur des thèmes tels que l'utilisation des jeux en situation d'apprentissage. Stephan Atsou, 35 ans, est licencié en philologie germanique et agrégé de l'enseignement secondaire supérieur (Université Catholique de Louvain). »

à lire également

Dans la même rubrique

RECHERCHER UNE FORMATION

AEC logo


Recherche guidée thématique

Recherche par thème :