La formation nait du besoin, étymologiquement ce qui est nécessaire. Ce qui est nécessaire à la stratégie de l’entreprise, les compétences professionnelles nécessaires à la réalisation de la stratégie. Le besoin est une nécessité rationnelle qui s’impose à la stratégie. Mais le besoin n’est pas que raisonné, il y a une dimension qui prend une importance nouvelle… le désir. Le désir n’est pas tant une pulsion, nécessité physiologique dont on ne connait pas l’origine, que la transformation de la pulsion en idéalisation. Ce que Freud appelait la sublimation. Aujourd’hui, le désir est supérieur au besoin. Qu’est-ce que cela veut dire en formation ?

Un responsable formation artiste

Former, c’est habiter le monde. Non pas un monde rationnel, mais un monde rationnel et émotionnel. Le monde dans sa totalité. Le besoin est limité, là où le désir est illimité, infinité des désirs. Et la poésie, étymologiquement une création, est cette action de concevoir, d’assembler des éléments épars autour d’une œuvre. C’est ce que Gilles Lipovetsky appelle l’esthétisation du monde (Gallimard, 2013). La formation s’esthétise, et le responsable de la formation devient un « artiste », étymologiquement qui combine la raison et l’émotion au sein d’une cohérence, d’un équilibre personnel. L’homo sapiens rejoint l’homo demens d’Edgar Morin. Il faut un degré de folie qui donne du sens à la formation. Ce degré de folie est le fait de croire en un monde à construire, de militer pour des projets d’entreprise.

Le véritable enjeu de la formation n’est pas tant sa rationalisation - reliquat d’un monde stable et prévisionnelle -, que son émotion, cristallisation des apprenants autour de valeurs fortes, d’identités, de projets, la fameuse communion de Michel Mafessoli. Reconstruire du lien autour de l’apprendre ensemble avec des passeurs qui ouvrent le chemin, construire la traversée. Elena Lasida parle d’homo passens par complément à l’homo sapiens : « le passeur est un guetteur d’aube », un veilleur de talents, dénicheurs de germes, de potentiels.

Reconstruire une envie

Mais un potentiel n’a de sens que dans sa réalisation, tant dans sa dimension rationnelle de type développement de projet, que dans sa dimension émotionnelle avec l’orientation du désir dans un projet qui mobilise, reconstruit du collectif, l’ère du « nous ». Et pour cela il faut reconstruire une envie, un rêve, une utopie avec une réalité économique, le prix du rêve. Autrement dit, la formation est une maîtrise des savoirs, des savoirs faire et des savoirs être, mais cette maitrise n’aura de vie que si elle est capable de raconter une histoire crédible et qui fasse envie, qui réveille la gourmandise des apprenants. Une beauté qui donne du sens, une esth-éthique.

Tout un travail d’écriture, de grammaire nouvelle qui reste à construire, sans l’assurance de l’industrialisation des savoirs, un artisanat de la formation, une poésie de la performance. La formation prend une nouvelle dimension, une nouvelle aventure des savoirs.


A propos de l’auteur :

Stéphane Diébold a mis son expérience au service de l’innovation pédagogique et de la performance en entreprise, au sein de TEMNA (www.temna.fr) dont il est le fondateur depuis 2003. Associatif, il a assumé des responsabilités dans une dizaine d’association, essentiellement formatives, aujourd’hui président du GARF (Groupement des acteurs et responsables formation) et vice-président de l’ETDF (European traning and development federation – Fédération européenne pour la formation et le développement).

Déposez gratuitement
vos besoins de formations