Des universités d’entreprise en mutation

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Le dernier colloque organisé par les étudiants du Master GRH dans les entreprises multinationales de l’IAE Gustave Eiffel s’est déroulé autour de la question de l’avenir des universités d’entreprise. Des universités qui devront prendre un sérieux virage – déjà engagé pour un certain nombre - pour conserver toute leur pertinence.

« Les universités d’entreprise font face à un certain nombre de mutations », constate Hervé Borensztejn, vice-president HR & communication du groupe Converteam. Porosité des frontières de l’entreprise (les universités d’entreprises sont de plus en plus amenées à former, en plus des salariés, les fournisseurs, les clients, les prestataires…), évolution des modes d’apprentissage (e-learning, serious games…), instabilité identitaire (en raison de l’accélération des fusions-acquisitions, des changements de business modèle) etc. Autant d’éléments qui doivent amener les universités d’entreprise à évoluer pour demeurer pertinentes et en phase avec les besoins et les enjeux de l’entreprise.

Des apprentissages buissonniers

Pour Denis Cristol, responsable formation continue chez Advencia-Negocia,  « les entreprises doivent replacer l’individu au cœur de l’université d’entreprise ». Autrement dit, ces universités doivent s’intéresser avant tout à leur public. Un public adulte « qui n’apprend que s’il a des problèmes concrets à résoudre », observe Denis Cristol. Celui-ci constate une transformation du rapport au savoir, notamment du fait des Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (Tice). Il reprend : « Il existe de plus en plus d’apprentissages buissonniers, incidents, imprévus » ; des apprentissages qui ont lieu en dehors des périodes de formation traditionnelles.

Une logique clinique

Pour le responsable formation, replacer l’apprenant au centre des préoccupations, c’est « passer d’une logique linéaire, pragmatique, à une logique clinique, qui consiste à essayer de comprendre la problématique du sujet et y répondre ». Didier Moity, directeur formation employés chez Alcatel-Lucent France, image : « Trop souvent, on pense que l’impossibilité d’organiser des visio-conférences en anglais relève d’un mauvais niveau en langue des salariés. Alors on forme toujours un peu plus en anglais pour augmenter les points au Toeic. En réalité, les salariés français n’ont pas à rougir de leur niveau en anglais. Il s’agit plus souvent de problèmes liés à l’interculturel et au management. Mais pour s’en rendre compte, il ne faut pas se demander quel est le besoin de formation, mais plutôt quel est le problème… »

Des universités ouvertes

Des considérations qui emportent plusieurs conséquences. « Il faut développer des organisations apprenantes, explique Denis Cristol, penser des environnements d’apprentissage plus ouverts sur le monde, sur la cité. » C’est tout le leitmotiv de l’université du groupe PPR. Une philosophie qui se reflète jusque dans son nom : l’univercité PPR (avec un c). « Nous organisons des "learning expeditions", poursuit Sophie Windak, responsable de l’univercité PPR. Nous avons emmené un groupe de 14 dirigeants à Shanghai et à Hong-Kong, un autre à Singapour et à Bombay. Une bonne façon de saisir les subtilités des marchés émergeants. » Une autre expérience menée par PPR a consisté à emmener des collaborateurs en forêt, avec un parcours diurne et un parcours nocturne, pour les faire travailler sur la perte de repères. « Dans le monde actuel, l’information va très vite, nous sommes dans l’information immédiate, commente Sophie Windak. Le seul domaine où l’information n’est pas aussi facilement accessible, ce sont les informations sur soi-même et ses comportements ; des informations que nous essayons de leur transmettre. »

Des projets solidaires

Développement croissant des politiques de RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) oblige, les universités d’entreprise doivent également entrer en résonance avec ces questions. Car « l’université d’entreprise est très souvent le lieu emblématique qui symbolise ce qu’est l’entreprise, ses valeurs », selon Hervé Borensztejn. Chez PPR, cela se matérialise par le développement de projets solidaires. « Nous plaçons nos intervenants dans des environnements non familiers, hors du cadre, appuie Sophie Windak. Des expériences qui transforment nos dirigeants, ils rencontrent des gens qu’ils n’auraient jamais rencontrés et réalisent des expériences qu’ils n’auraient jamais vécues autrement. » Des expériences qui consistent à donner des cours à l’étranger, aider une entrepreneuse sociale comorienne à réaliser son business modèle… Chez Alcatel-Lucent, la RSE passe par des programmes plus classiques, mais tout aussi significatifs : féminisation des filières technologiques de l’entreprise, politique handicap, intergénérationnel…

Une certaine agilité

L’autre caractéristique de l’université d’entreprise de demain tient dans l’innovation. « Ces universités sont le lieu où s’invente le futur en termes de stratégie, de positionnement », relève Hervé Borensztejn. Didier Moity confirme : « Si Apple connaît un tel succès, c’est parce qu’ils ont toujours 6 mois d’avance sur les autres. Nous devons suivre et anticiper en permanence les mutations technologiques. Nous devons développer une certaine agilité. » Chez PPR, le développement de l’innovation passe la création d’une Digital Academy qui doit aider l’entreprise à créer et développer une culture digitale, numérique à l’ensemble du groupe. Pourquoi ? « Parce que nous n’achetons plus des livres, mais des "notebooks", nous n’achetons plus de CD, mais nous "downloadons" des fichiers », répond Sophie Windak. En d’autres termes - et ce point n’est pas nouveau - l’université d’entreprise doit s’intéresser et, surtout, répondre aux enjeux de l’entreprise.

Brice Ancelin

Crédits photo : Fotolia.com

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