Travailler mieux pour grandir avec le travail. Par Didier Cozin (2/2)

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Dans sa précédente tribune, Didier Cozin rappelait comment, à son sens, l’industrialisation avait transformé le travail et le rapport des salariés à ce dernier : perte de sens, démobilisation, déresponsabilisation du corps social… Il poursuit cette semaine ses réflexions, notamment sur la place que la compétence et l’apprentissage doivent prendre dans ce paysage.
L’enrichissement du travail est l’avenir du travail.
Au seuil de l’économie de la connaissance, nous ne pouvons nous exonérer du développement des compétences et de l’accès généralisé à la formation tout au long de la vie. Cette formation tout au long de la vie, inscrite dans le patrimoine européen mais encore si mal interprétée dans une majorité de sociétés françaises (et il en est de même dans les administrations).
Notre modèle de société industrielle décline depuis les années soixante-dix :
1. Arrivée de nouveaux compétiteurs industriels, issus non seulement dans de lointaines contrées (la Chine mais aussi les innombrables dragons asiatiques) et plus près de nous, de cette Europe orientale que l’occident avait passée par pertes et profits après guerre.
2. Une crise économique qui obture les perspectives économiques et financières des sociétés, le travail mal organisé, mal ressenti (et mal rémunéré) perd en occident de sa compétitivité (Chez Fiat un ouvrier polonais produit en moyenne 100 voitures par an contre 30 voitures pour un travailleur italien).
3. La société cognitive : Notre économie investit (dans) l’intelligence qui est devenue le premier capital des entreprises (ce sont les brevets, la recherche et la maîtrise des process qui créent de la valeur, le capital financier ou les machines n’ont plus guère d’importance, Facebook pèse 20 milliards de dollars et s’est construit sans capitaux, avec 1 000 dollars en poche).
4. Dans cette société des savoirs ce seront les capacités d’apprendre et la maîtrise des savoirs fondamentaux qui situeront… les individus les uns par rapport aux autres dans leurs rapports sociaux.
5. L’économie de la connaissance : L’Europe n’a guère d’autre choix que de « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde… » . La mère des batailles du XXIe siècle sera celle de l’intelligence, pas celle de la finance.
6. L’éducation devient donc un trésor mais aussi une marchandise : Le savoir, véritable produit de grande consommation, se capitalise, s’exploite, se rentabilise et se privatise.
7. Les sociétés et les organisations deviennent apprenantes. Le savoir est l’atout stratégique numéro 1 des individus, des organisations et des nations. Les nations qui exploitent et gèrent efficacement leur capital de connaissances sont celles qui affichent les meilleures performances. Les entreprises qui possèdent plus de connaissances obtiennent systématiquement de meilleurs résultats. Les personnes les plus instruites s’adjugent les emplois les mieux rémunérés.
8. Le nouveau travail de la connaissance. Nous sommes tous devenus des travailleurs du savoir, aussi bien « esclaves du savoir » dans les organisations néo-tayloriennes de l’information, qu’experts pour des fonctions à haute valeur intellectuelle.
9. L’apprentissage tout au long de la vie. L’apprentissage ne se résume plus aux 10 ou 15 années d’instruction obligatoire inventée par Jules Ferry (pour former une main d’œuvre qui rejoindrait l’usine). On apprend désormais tout au long de la vie et aucun diplôme ou qualification passé ne pourra servir de viatique tout au long d’une vie sociale et professionnelle.
10. La responsabilisation des individus. L’Etat providence accompagnait tous les citoyens du berceau au cercueil. Cette prise en charge globale avait ses travers : une déresponsabilisation fréquente (si je n’ai pas de travail, c’est la faute de la société) mais surtout une perte d’autonomie sociale et intellectuelle. Désormais l’individu est renvoyé à sa propre responsabilité quant à son sort professionnel et social. Il ne s’agit plus d’entrer dans des compartiments standards mais bien d’évoluer et de se former pour interagir avec le travail et la société.
Pour prendre le relais de cette défunte économie industrielle, seule la société de la connaissance pourra apporter un avenir social et économique à l’Europe.
Dans ce nouveau paradigme économique et cognitif, le premier rôle revient à l’individu. Il lui faut se prendre en charge, assumer ses apprentissages (on n’apprend pas contre son gré) être capable d’adaptation, de résilience, d’autonomie, de prise de risques. Toutes ces qualités et attentes ne sont pas innées, elles se travaillent, elles se conquièrent, elles se renouvellent. Alors que nos villages gaulois enterrent la hache de guerre des retraites (et donc tire un trait sur le modèle social ancien), il faut que notre pays s’attelle dès maintenant pour enrichir le travail, ses contenus et ses perspectives. La stabilité professionnelle n’est plus synonyme de compétences, il faut redonner de l’air et une dynamique au monde du travail. Comme le traitement social du chômage a échoué depuis 30 ans, ce n’est plus le social qui façonnera l’économie mais bien l’économie qui permettra d’avoir toujours du social.
La formation professionnelle permanente s’appelle désormais Formation tout au long de la vie, il importe, dès 2011, de lui donner consistance et corps afin de sortir des imprécations et des déclarations d’intention sans applications réelles sur le terrain.
Messieurs et mesdames les partenaires sociaux, vous qui vous êtes engagés en 2003 (ANI de septembre 2003) à développer les compétences et l’employabilité de tous les salariés, qu’attendez-vous pour ce faire ?
A propos de l’auteur :
Didier Cozin est auteur des ouvrages « histoire de DIF » et « Reflex DIF »
- Voir la première partie de cette tribune publiée le 3 novembre 2010

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