''Où sont passés les milliards de la formation professionnelle ?'' Par Stephane Diebold

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Le 19 avril 2010, France 2 s’interrogeait de la sorte, dans Complément d’enquête (émission [toujours visible sur le Web->http://info.francetelevisions.fr/video-info/index-fr.php?id-categorie=EMISSION_COMPLEMENT_D_ENQUETE]). Pour accrocher le chaland, dès le démarrage, le reportage présente une formation, en caméra caché, de biochirurgie immatérielle, c'est-à-dire opérer par la pensée, un simulacre d’opération pour un coût de 2 500 euros par personne et par semaine, et la possibilité d’un parcours pouvant aller jusqu’à 4 sessions, soit 10 000 euros…
Et, les entreprises - enfin deux ou trois - auraient financé la formation au titre de la formation professionnelle avec le témoignage d’un « vendeur international dans l’automobile ». Le spectacle est là, burlesque… D’ailleurs, un peu plus loin, le reportage reconnaît que cet organisme de formation n’a plus droit de former… Qu’en dire ?
Tout d’abord qu’on assiste dans les médias à la montée en puissance de la communication transgressive, il faut choquer pour attirer l’attention. L’infobésité nécessite de taper fort et à des heures aussi tardives, il faut se donner les moyens de ses ambitions. En cela le reportage est une réponse efficace à l’actualité. D’ailleurs, il ne faut pas confondre actualité et information, l’actualité consiste à parler des trains qui n’arrivent pas à l’heure alors que l’information a plus de distance et permet de poser un sujet dans son ensemble… Même s’il est sulfureux.
Alors, où sont passés les milliards ? Mal utilisés, assurément si l’on tient compte de la première partie. D’ailleurs, la seule personne qui se soit exprimée sur la prise en charge de l’entreprise, reconnaît que cela n’a pas été facile de se faire prendre en charge par sa société. Comme quoi… D’ailleurs, si tous les autres le font sur leurs deniers propres, on ne voit plus très bien en quoi cela intéresse la formation professionnelle, à moins qu’il faille aussi réglementer ce que les personnes doivent faire dans leur vie privée… Mais cela est une autre question. Le reportage suscite le buzz par la création d’opposition. Pour ne pas être partisan, le reportage présente un organisme de formation « sérieux » et qui gagne de l’argent, ce qui semble surprendre la personne qui interroge. Une des questions que l’on pourrait se poser, si tout le monde reconnaît intuitivement la critique du premier organisme, en quoi le second est-il sérieux ? Quels sont les critères sérieux d’un organisme de formation ? Les organismes de labellisation se posent ce même type de questions, sans apporter de réponses définitives. Qui a autorité pour juger d’une formation ? L’éducation nationale ? L’entreprise ? Ou simplement la réputation, le bouche à oreille ? Cela est-il bien sérieux… ou peut-être trop sérieux pour se poser la question ?
En 2009, le marché de la formation professionnelle représentait près de 27 milliards d’euros, soit la moitié du budget de l’éducation nationale. La fraude est possible, même probable, sous-entend le reportage, faute de contrôle (seulement 150 fonctionnaires pour contrôler les 57 000 organismes de formation). Les OPCA sont complices, ou au moins incompétents, les syndicats sont de la magouille… Tous pourris. Il ne s’agit pas de remettre en cause les exemples présentés, mais la vieille ficelle, qui consiste à dire « j’en connais un qui… », a été suffisamment éculée pour faire l’économie de la resservir. Il ne faut pas confondre l’arbre et la forêt. Et d’ailleurs à la fin du reportage, on ne sait toujours pas où sont passés les milliards de la formation professionnelle. Le spectacle a amusé les badauds, au sens étymologique, ils ont levé le nez, écouté, peut-être entendu… Le spectacle est partout. Guy Debord nous avait mis en garde contre le spectacle qui endors… Nous avons peut-être, au fond, besoin de nous former à nous informer sur la formation. Ce reportage aura au moins permis sur ce point d’être pédagogue…
A propos de l’auteur
Stéphane Diébold

… Il a mis son expérience au service de l’innovation pédagogique et de la performance en entreprise, au sein de TEMNA (http://www.temna.fr) dont il est le fondateur depuis 2003. Associatif, il a assumé des responsabilités dans une dizaine d’association, essentiellement formatives, aujourd’hui Vice-président du GARF (http://www.garf.asso.fr) et de l’ETDF (http://www.etdf-fefd.eu/fr ) »

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