Quelles dépenses publiques pour la formation professionnelle continue ?

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Courant janvier 2011, l’Edhec Business School rendait publique une étude réalisée par Arnaud Chéron, directeur de recherche au sein de l’école, intitulée "L’évolution de la formation professionnelle continue : une perspective internationale". Une étude qui revient sur le rôle des dépenses publiques dans la formation professionnelle.

« Entre le milieu des années quatre-vingt et le milieu des années quatre-vingt-dix, les pays ont globalement accru leur soutien à la formation, alors qu’entre le milieu des années quatre-vingt-dix et le début des années deux mille cet effort s’est réduit », constate Arnaud Chéron, directeur de recherche à l’Edhec business school, dans son étude "L’évolution de la formation professionnelle continue : une perspective internationale". Une réduction de l’effort des entreprises, mais également des dépenses publiques.
L’auteur distingue deux catégories de formation : celle visant un accroissement du capital humain général et celle visant un accroissement du capital humain spécifique. La première apporte au salarié des compétences et des connaissances valorisables dans l’entreprise actuelle et en dehors. La seconde apporte des connaissances et compétences valorisables uniquement dans l’entreprise actuelle. Dans une vision empruntée à l’économiste Gary Becker (1964), dans la première situation (formation générale), « les travailleurs sont les seuls à avoir des incitations à payer pour la formation (…), directement ou indirectement à travers des baisses de salaires », explique Arnaud Chéron. Dans la seconde situation (formation spécifique), il y a partage des coûts entre l’employeur et le salarié. Un contexte dans lequel « il n’y a pas de place pour une intervention publique visant à soutenir la formation professionnelle continue », note l’auteur. Un rendement social
Seulement, il se trouve que les entreprises investissent également dans des actions de formation en capital humain général. Et ce notamment du fait de « différentes sources d’imperfections du marché du travail ». Il faut entendre par là le temps et les coûts de recherche d’emploi pour les salariés et les coûts de recrutement pour les entreprises, ainsi que « les asymétries d’information entre l’entreprise qui a formé l’employé et les autres entreprises qui ont une information imparfaite sur l’aptitude du travailleur et le contenu de la formation suivie », explique Arnaud Chéron. Autant d’éléments qui viennent réduire la transférabilité du capital humain général et qui offrent donc un gain potentiel pour l’entreprise.
Mais dans cette démarche, seuls les salariés « internalisent parfaitement le rendement social des investissements en capital humain général, c’est-à-dire le fait qu’ils puissent utiliser ce capital humain (…) dans de futurs entreprises en cas de mobilité », explique l’auteur. Ce qui conduit les entreprises à ne pas investir suffisamment dans la formation professionnelle continue « par rapport à ce qui serait socialement souhaitable », ajoute Arnaud Chéron.
Des subventions conditionnelles
De ce point de vue, selon l’auteur, l’intervention de l’Etat se justifie donc. Une intervention qui permettrait aussi aux entreprises d’accroître leurs efforts de formation en capital humain spécifique. Une intervention d’autant plus bienvenue qu’elle permettrait d’inciter les entreprises à « accroître l’éventail des aptitudes/niveaux de formation initiales des personnes à qui la possibilité d’être formé est offerte », relève l’auteur.
Arnaud Chéron remarque également qu’« en présence d’une dépréciation potentielle du capital humain pendant les périodes de chômage, il est souhaitable que les dépenses publiques en matière de formation professionnelle soient ciblées sur les personnes en emploi ou conditionnelles à l’embauche ». Selon lui, si ces dépenses étaient allouées aux entreprises sous forme de subventions conditionnelles à la formation professionnelle, elles inciteraient à l’embauche d’un chômeur, car les entreprises « anticipent alors] qu’elles pourront le former à moindre coût, grâce aux subventions ».
Quant au degré d’investissement, tant de la part des entreprises que de l’Etat, le chercheur à l’Edhec reconnaît qu’en cas de turbulence économique importante un investissement moindre peut être justifié, car « plus la turbulence est grande, moins il est probable que les formations dispensées soient effectivement transférées ». Et de conclure : « La priorité de la politique publique en matière de formation professionnelle ne devrait pas tant être de dépenser plus, que de dépenser mieux. »
Brice Ancelin
Crédit photo : Fotolia.com


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